Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "Un espiègle petit vilain, mais jamais un gredin"

 

 

                     Mozart à sa soeur à St Gilgen

 

 

                                                                        

                                                                               Vienne,  le  2 juin  1787

 

 

 

 

Ma soeur chérie, 

 

  Tu peux facilement imaginer ma douleur en apprenant la triste nouvelle de la mort brutale de notre père chéri,  puisque la perte est la même pour nous deux.

  Comme il m'est absolument impossible de quitter Vienne actuellement (ce que j'aimerais faire pour avoir le plaisir de t'embrasser) et que cela ne vaut guère la peine pour régler la succession de notre bienheureux père,  je t'avoue partager complètement ton avis en ce qui concerne une vente publique ;  j'attends auparavant un inventarium des effets pour pouvoir faire mon choix.  Mais si M. d'Ippold écrit qu'il y a une dispositio paterna inter liberos,  il faut que j'en prenne connaissance auparavant pour pouvoir ensuite prendre mes dispositions.

  J'en attends donc une copie conforme et te ferai part ensuite de ma  décision,  après, en connaissance de cause.  Je te prie de faire remettre à notre véritable bon ami M. bon d'Ippold la lettre ci-jointe  ;  comme il a si souvent fait preuve de son attachement envers notre famille,  j'espère qu'il me fera l'amitié de représenter ma personne dans les démarches nécessaires.   Adieu,  ma soeur chérie  !  Je suis à jamais ton

frère fidèle

W.A. Mozart

Vienne,  le 2 juin  1789

P.S.  Ma femme vous adresse ses compliments,  à toi et à ton mari,  et moi également.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

               Plus inspiré par la mort de son oiseau  Star,  apparemment....

                                                              (ou "Starl"  ?)

 

 

Poème de Mozart à la mémoire de son étourneau mort

 

 

 

Ci-gît un bien cher fou,

Un petit étourneau

Dans ses meilleures années

Il dut éprouver

De la mort l'amère douleur

Saigne mon coeur

A cette seule pensée

Lecteur  !  Verse toi aussi

Une petite larme pour lui.

Il n'était pas méchant

Mais peut-être un peu trop bruyant,

Et parfois même

Un espiègle petit vilain,

Mais jamais un gredin

Sans doute est-il déjà là-haut

Pour me louer

De ce service d'ami

Absolument gratuit

Car lorsque soudain

Il s'est évanoui

Il n'eut aucune pensée

Pour celui qui sait si bien rimer.

 

Le 4  juin  1787                               Mozart

 

 

 

 

 le concerto N° 17,  troisième mouvement.  (voir notre vidéo DAILYMOTION)  : Mozart avait acheté cet étourneau en 1784 et noté ce prix dans son agenda en date du 27 mai : "Etourneau,  34 kr".  Il avait aussi écrit en notes un  thème sifflé  par lui en ajoutant :  Que c'était beau  !  Thème principal du concerto.

Et,  au sujet du poème,  ces lignes rappellent presque mot pour mot le poème mis en musique trois semaines plus tard  dans "Abendempfindung an Laura"            

 

 

                   

 

 

 

 

                   

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                            Vienne,  Le 16 juin 1787

 

 

 

 

Très chère,  excellente soeur  !

 

  Je n'ai pas prêté attention au fait que ce n'est pas toi  qui m'a appris la nouvelle triste et inattendue de la mort de notre excellent père,  car je pouvais facilement en deviner la raison.   Dieu l'accueille auprès de Lui  ! Sois certaine, ma chérie, que si tu souhaites un bon frère qui t'aime et te protège,  tu le trouveras en moi en toute occasion.

  Ma très chère,  excellente soeur  !  Si tu étais dans le dénuement,  tout cela serait inutile.  Comme je l'ai déjà pensé et dit mille fois,  je te laisserais tout avec un véritable plaisir.  Mais comme cela t'est,  pour ainsi dire,  inutile et que ,  par contre,   c'est pour moi un réel secours,  je pense qu'il est de mon devoir de penser à ma femme et à mon enfant....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                               Vienne,   le 1er août  1787

 

 

 

 

Très chère, excellente soeur  !

 

  Je n'écris que pour répondre à ta lettre  -pas longuement et en hâte,  car j'ai beaucoup à faire  (Composait Don Giovanni).  

  Comme ton mari,  mon cher beau frère (que je te prie d'embrasser 1000  fois de ma part) et moi voulons mener l'affaire rapidement,  j'accepte sa proposition.  A  la seule condition qu'il veuille  bien verser les 1000 florins non pas en monnaie de l'Empire mais en monnaie viennoise,  et par traite.  ..

   Dès que je le pourrai ,  je t'enverrai de nouvelles oeuvres de moi pour piano.  Je te prie de ne pas oublier mes partitions.  Porte toi bien ,  mille fois.  Je dois clore.  Ma femme et Carl saluent ton époux et je suis à jamais

ton frère qui t'aime sincèrement

W.A.  Mozart

Landstrasse,  le  1er août  1787

 

 

 

 

 

 

                                                                   

 

                                                                         Vienne,  le 29  septembre 1787

 

 

 

 

A son beau-frère à Saint-Gilgen

 

 

  En toute hâte,  je suis très heureux de notre bon accord.   Lorsque vous m'établirez la traite,  je vous prie de l'adresser à Michael Puchberg,   la maison du comte Walsegg,  sur le Hoer Markt.  Celui-ci a ordre d'encaisser l'argent puisque je pars pour Prague lundi de bon matin.....

 

 

 

 

   (Les commentaires notent que Puchberg avait dû avancer à Mozart les 1000 florins qu'il attendait sur l'héritage de la mort de son père).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                              Mozart dans son propre livre d'or, le 3 septembre

 

 

 

 

 

     Aujourd'hui,  3 septembre de cette année,  j'ai eu le malheur de perdre ce noble personnage,  mon meilleur et excellent ami,  le sauveur de ma vie,  que la mort m'a ravi de façon subite  (Il s'agit du médecin Sigmund  Barisani).

   Il repose en paix  ! - mais nous  - nous  - !   et tous ceux qui le connaissent bien,  nous ne trouverons jamais la paix,  avant d'avoir le bonheur,   de le revoir dans un monde meilleur,, pour ne plus jamais nous séparer.

 

 

 

 

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                                                            DON   GIOVANNI

 

 

 

 

Mozart et Constance sont à Prague où Mozart va diriger encore Les noces de Figaro et mettre en scène Don Giovanni.

                                                          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                            Prague,  Le  15 octobre 1787

 

 

 

 

A  Emilian Gottfried von Jacquin  à Vienne

 

 

 

 

Très cher ami  !

 

  Vous penserez sans doute que mon opéra a déjà été donné,  mais c'est une petite erreur. D'abord,  le personnel du Théâtre n'est pas aussi habile que celui de Vienne pour monter un tel opéra dans un temps aussi bref.

  Deuxièmement, j'ai trouvé à mon arrivée si peu de dispositions prises et si peu de préparatifs effectués qu'il aurait été purement et simplement impossible de lle donner le 14.  On a alors donné mon Figaro sur un théâtre tout illuminé,  et je l'ai dirigé moi-même.

  A ce sujet,  il faut que je vous raconte une blague.  Certaines des premières dames d'ici,  de la plus haute noblesse,  ont trouvé ridicule et indécent et que sais-je,  que l'on veuille donner à la Princesse le Figaro,  "La Folle journée" ,  comme elles se sont plu à le nommer.  La meneuse de complot obtint par ses beaux discours que le gouvernement interdise à l'imprésario de monter cette pièce ce jour-là.  C'est alors elle qui triompha  !  Ho vinta  ! cria t'elle un soir de la loge ; elle ne se doutait pas que le ho pourrait se transformer en sono  !  Le lendemain,  le Noble apporta l'ordre de S. Maj. disant que si le nouvel opéra ne pouvait pas être donné, on devait jouer Figaro  !  Si seulement mon ami,  vous aviez pu voir le nez merveilleux fait par cette dame !  Oh,  cela vous aurait procuré autant de plaisir qu'à moi.... 

 

  Don Giovanni est maintenant prévu pour le 24.

Le  21  :  il était fixé au 24,  mais une chanteuse est tombée malade,  ce qui occasionne un nouveau report.  C'est pourquoi tout traîne ici en longueur,  les acteurs   (par paresse) ne veulent pas répéter les jours d'opéra,  et l'entrepreneur (par crainte et inquiétude) ne veut pas les y contraindre...

  Mais qu'est-ce que cela  ?  Comment est-ce possible ?  Que voient mes oreilles, qu'entendent mes yeux  ?  Une lettre de --- j'ai beau me frotter les yeux presque à les arracher - elle est - le diable m'emporte !  Dieu soit avec nous ! elle est bien de vous,  en vérité, si nous n'étions à la veille de l'hiver,  j'en briserais le poêle.  Mais comme j'en ai déjà bien souvent besoin,  et que je pense y avoir recours encore plus à l'avenir, vous me permettrez de modérer quelque peu mon étonnement et de vous dire en quelques mots que je suis extraordinairement heureux d'avoir des nouvelles de vous.

 

  Le 25.  C'est aujourd'hui le onzième jour où je griffonne cette lettre.  Si j'ai un peu de temps,  j'y ajoute un petit morceau,  mais je ne peux m'y attacher très longtemps,  car je dois me consacrer à trop de gens  - et trop peu à moi-même - inutile de vous dire que  ce n'est pas mon mode de vie préférée.

 

  Lundi prochain,   le 29,  on donnera l'opéra Don Giovanni pour la première fois. Vous recevrez un rapport de ma part dès le lendemain.  Au sujet de l'aria,  il est absolument impossible que je vous l'envoie  ( pour des raisons que je vous raconterai de vive voix)

 

  Je suis très heureux de ce que vous me dites au sujet de Kathell,  qu'elle se porte fort bien et se tient en respect avec les chats ,  et en amitié avec les chiens...

(Il s'agit là probablement d'une chatte ou d'une chienne)....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                     Mozart,  Don-Juan lui-même ?  Coureur de jupons  ??  Rien moins que cela !

Cette lettre suivante,  à elle seule  (à moins qu'elle soit d'une rare hypocrisie, impossible quand on connait le personnage)  aurait dû le démontrer,  depuis longtemps,  (mais bien sûr quand des passages de lettres déplaisent à certaines personnes, elles prétendent que le compositeur... trichait ! C'est tellement facile... (lire à ce sujet les mémoires de Lorenzo da Ponte, et la préface de Lamartine);

 

 

 

 

 

 

                                                                           Prague,  le  4 novembre  1787

 

 

 

A  Emilian  Gottfried von Jacquin à Vienne

 

 

 

   J'espère que vous aurez reçu ma lettre.  Le  29 oct, mon opéra D. Giovanni a été mis en scène,  avec le plus brillant succès.  Hier,  on l'a donné pour la 4ème fois (à mon bénéfice)...

  On met tout en oeuvre ici pour me convaincre de rester encore quelques mois et d"écrire un nouveau opéra,  mais je ne peux accepter cette offre,  si flatteuse soit-elle

   Maintenant,  très cher ami,  comment allez-vous ?  J'espère que vous vous portez tout aussi bien que nous.  Pour ce qui est du plaisir,  cher ami,  vous ne pourriez en manquer, puisque vous possédez tout ce que vous pouvez souhaiter,  à votre âge et dans votre situation  !,  d'autant que vous semblez avoir abandonné maintenant votre ancienne manière de  vivre quelque peu agitée.   Vous vous persuadez un peu plus chaque jour du bien fondé de mes petits sermons,  n'est-ce pas ?

   Le plaisir d'un amour volage,  capricieux,  n'est-il pas éternellement éloigné du bonheur que procure un véritable et raisonnable amour ?  Vous me remerciez certainement bien souvent,  dans votre coeur,  pour mes leçons  !  Vous finirez par me rendre  bien fier. Mais sans plaisanterie ; vous m'êtes au fond un peu redevable d'être devenu ainsi digne de Melle N......  ,  car dans votre amendement, ou votre conversion,  je n'ai pas joué le moindre rôle.

   Mon arrière grand-père avait l'habitude de dire à sa femme,  mon arrière grand-mère, qui le rapporta à sa fille,  ma grand-mère,  qui le transmit à son tour à la sienne,  ma mère, qui l'apprit elle-même de sa fille,  ma propre soeur,  que c'est un très grand art que de parler franc et bien,  mais que ce n'en est pas un moindre que de s'arrêter à temps. Je suivrai donc le conseil de ma soeur,  transmis par ma mère, grand-mère et arrière grand-mère,  en mettant un terme non seulement à mon bavardage moral,  mais aussi à toute la lettre.... 

Votre ami sincère

W.A.  Mozart

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                      Vienne,  le 19 décembre  1787

 

 

 

 

 

A sa soeur Nannerl à St Gilgen

 

 

Ma soeur chérie  !

 

 

  Je te demande pardon de t'avoir laissée si longtemps sans réponse  !  Tu sauras sans doute déjà que j'ai écrit pour Prague  D.  Juan et ai eu tout le succès possible  - mais tu ne sauras peut-être pas que S. Majesté l'empereur m'a pris à son service.

(L'empereur Joseph II avait fait engager Mozart le 7 décembre 1787  comme  "Musicien de la Chambre Impériale et royale",  avec un salaire annuel de 800 florins.  Il semble que la Comtesse Thun l'ait aidé à obtenir ce poste).

  Je suis sûr que cette nouvelle te sera sûrement la bienvenue.  Je t'en prie,  envoie moi dès que possible la petite caisse avec mes partitions.  Pour ce qui est de la nouvelle musique de piano,  de ma plume,  je te prie de noter les thèmes des morceaux que je t'ai envoyés de Vienne et de me les adresser afin que je ne t'expédie rien en double.  Tu seras alors tout de suite servie.
   Porte toi bien ,  ma chère soeur,  et écris-moi souvent.   Si je ne te réponds pas toujours en temps et en heure,  mets cela sur le compte non pas de la négligence,  mais de mes affaires trop nombreuses.

   Adieu.   Je t'embrasse de tout coeur et suis à jamais ton frère sincère qui t'aime.

W.A.  Mozart

 

P.S  :  1000  bises de ma femme   (qui doit accoucher d'un moment à l'autre).  Toutes sortes de pensées de nous deux à ton cher époux.

 

 

(Le quatrième enfant de Mozart,  Theresia Constanza ,  naquit le  27 décembre 1787.  Sa marraine fut Theresia von  Trattner.   Le  29 juin  1788,  elle mourut de convulsions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Et le vrai problème de Mozart,  toujours   :  l'argent. 

 

 

 

 

 

 

 

                                                    A Johann Michael Puchberg à Vienne  (juin  1788)

 

 

 

Très cher Frère  !

 

   Votre sincère amitié et votre amour fraternel me donnent la hardiesse de vous demander un grand service. 

  Je  vous dois encore  8  ducats.  Outre le fait que je suis actuellement hors d'état de vous les rembourser,  ma confiance à votre égard va si loin que j'ose vous prier de m'aider d'ici la semaine prochaine  (où commencent mes académies au casino)  en me prêtant 100 florins.  D'ici là,  j'aurai forcément touché l'argent de mes souscriptions et pourrai très facilement vous rembourser les 136 fl. avec mes remerciements chaleureux.

  Je prends la liberté de vous envoyer ici les 2 billets que je vous prie d'accepter (en tant que frère) gracieusement,  du fait que je ne serai jamais en état de vous rendre suffisamment l'amitié que vous me témoignez.

  Je vous prie une fois encore de me pardonner mon indiscrétion et demeure, avec mes compliments à madame votre noble épouse,  en toute amitié et fraternité.

Votre frère entièrement dévoué

W.A.  Mozart

 

 

 

 

NOTE DE MICHAEL  PUCHBERG    :

"Envoyé  100 fl."  .....

 

 

 

 

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 Chaptre suivant  :  D'aussi sombres pensées que je dois repousser avec violence

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                           

 

 

 

  

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24/09/2011

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