Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "Ces idiots de français..."

  

 

 

      Le 27 août 1778,  malheureux d'avoir perdu sa femme,  Léopold se montre soudain franchement injuste envers son fils,  qu'il accuse d'être un peu responsable  :

 

 

 

"      (...)  Si ta mère était revenue de Mannheim à  Salzbourg,  elle ne serait pas morte.  Mais comme la providence divine avait fixé l'heure de sa mort au  3 juillet, il fallait qu'elle quitte Salzb avec toi et que son retour a Salzb soit empêché par tes nouvelles connaissances  (les Weber).
   Cette mort,  le cours des événements et tout leur contexte te prouvent que la chaine du destin et la providence divine ne peuvent être rompues sinon tu m'aurais parlé plus tôt de ta décision de ne pas voyager avec Wendling  et de tes doutes.  Pour ma part,  faisant confiance à ta sagesse et à ta vertu,  je te les aurais ôtés,  tu serais parti et arrivé en même temps et en une heure à Paris.  Tu aurais fait plus ample connaissance et aurais eu plus de chance,  et ma pauvre femme serait à Salzbourg.   Lorsque la providence le veut,  les sens des hommes sont troublés,  tout comme le plus habile des médecins peut devenir aveugle et ses soins échouer lorsqu'il ne reconnait pas la maladie.  
   Dieu veuille toutefois que ce qui vient de nous arriver n'ait pas encore de suite plus néfaste pour nous.  Mais si tu continues à bâtir des châteaux en Espagne, et à te bourrer la tête de perspectives futures éloignées,  si tu as la tête pleine de choses qui t'empêchent d'agir concrètement dans le présent,  tu n'avances pas d'un pas....."

 

   Dans une autre lettre,  il ira encore plus loin et lui dira même  :  "J'espère qu'après que ta mère a dû,  mal à propos, mourir à Paris,  tu n'entacheras pas ta conscience par la mort de ton père."  

 

 

   Son fils jugera préférable de ne même pas répondre à ces propos...

 

 

 

 

 

 

 

    Léopold envisage de faire revenir Wolfgang à Salzbourg et il a déjà posé des jalons pour cela auprès de l'archevêque par l'intermédiaire de la soeur du Prince.  Son fils lui manque et maintenant,  il est le premier à souhaiter son retour ;   Pour le motiver,  il sait trouver les arguments :

 

 

 

   "En ce qui concerne Melle Weber,  tu ne dois pas croire que j'ai quelque chose contre cette relation.  Tu peux continuer à correspondre avec elle, je ne te poserai pas de question et te demanderai encore moins de me laisser lire tes lettres.  ....  Mais il me semble que si quelqu'un ne vous vient en aide,  tu ne pourras rien faire de positif pour M. Weber, et lui non plus.  Je me demande si M. Weber a une tête  ?   (...)

  A  Paris,  tu ne leur es d'aucune aide.  Ici,  tu entendras bientôt parler de Melle Weber, j'ai bien souvent chanté ses louanges et réfléchirai à ce qu'elle se fasse entendre.  Maintenant,  je vais revenir sur ce que te doit le duc de Guines  .  J'espère que tu l'as réclamé,  ou que tu le feras  ?  Le concerto n'est pas payé non plus ?  C'est vraiment honteux  (  Mozart avait composé pour le Duc le concerto pour flûte et harpe en ut majeur.  S'il empruntait de l'argent , et déjà problablement à cette époque,  il se faisait beaucoup rouler lui même par les autres,  ses "bons amis",  comme en témoigneront tous ses proches.

 

 

 

 

 

 

                                                  

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     Mais avec  Grimm,  ce n'est pas le grand amour.   Le baron ne peut apparemment plus se supporter Wolfgang  et en fait,  cherche plus à le décourager qu'à l'aider vraiment.  Il le juge probablement trop impertinent,  insoumis,  et trop.... talentueux peut-être ? 

 

 

 

 

 

 

                                                                           Paris,  ce 11 septembre 1778

 

 

 

 

 

Mon très cher Père  !

 

 

(...)   Je suis maintenant assez connu ici, moi, je ne connais pas les gens,  mais eux savent qui je suis.  Je me suis fait beaucoup d'honneur avec mes 2 symphonies .

(Symphonies K 297,  dite 'Parisienne',  et une symphonie perdue,  K 311, dont l'existence n'est connue que par cette lettre !)

Il m'aurait été impossible de faire maintenant un opéra mais je ne pouvais refuser d'emblée,  on aurait pu penser que j'avais peur.  Comme vous le savez peut être, les choses se passent ainsi  : lorsque l'opéra est terminé,  on le répète,  et si ces idiots de Français ne le trouvent pas bon,  on ne le représente pas, et le compositeur l'a écrit pour rien..... 

 

    Pour mr Grimm, je vous dirai de vive voix qu'il n'est plus du tout comme jadis.  Il est en mesure d'aider des enfants,  mais pas des grandes personnes... S'il n'y avait pas Mme d'Epinay,  je ne serais pas resté chez lui,  et il ne faut pas qu'il en soit fier,  car j'ai le choix entre 4 maisons où je pourrais loger,  et avec le couvert. Et je me serais installé dans une maison où l'on n'est pas aussi niais que chez lui,  et où on ne mène pas les gens par le bout du nez lorsqu'on leur rend service,  des services de ce genre,  j'aime mieux y renoncer.  Mais je veux être plus généreux que lui,  je regrette seulement de ne pas rester ici pour lui prouver que je n'ai pas besoin de lui,  et que je suis aussi capable que son Piccinni,  bien que je ne sois qu'un allemand.   Le seul bienfait qu'il m'ait accordé a été de me prêter sou par sou 15 louis d'or , pendant la maladie et la mort de ma bienheureuse mère.   Peut être craint il de ne pas les récupérer ?    S'il a un doute,  il mérite vraiment un coup de pied , car il met en doute ma probité (et c'est la seule chose capable de me mettre en rage)  et mon talent... Ce dernier point,  car il m'a dit un jour qu'il ne me croyait pas capable d'écrire un opéra français.  Les 15 louis d'or, je les lui rembourserai au moment de prendre congé,  accompagnés de quelques mots bien sentis  ....  '( Mozart ne remboursa pas lui-même).

   N'allez pas croire qu'il paye quelque chose à Mme d'Epinay,  car je ne lui coûte pas lourd.   Ils ont la même table,  que je sois là ou non.  Le soir, je mange des fruits et bois un verre de vin.  Depuis plus de deux mois que je suis dans cette maison, je n'y ai mangé au plus que 14 fois.  Donc,  en dehors des 15 louis d'or que je lui rembourserai ,  je ne lui ai pas occasionné de dépenses en dehors des chandelles,, et là,  j'aurais honte à sa place si je devais lui faire la proposition de me les procurer moi-même.  Je n'oserais vraiment pas le lui dire,  par mon honneur.  Je suis fait ainsi.   Récemment,  alors qu'il me parlait assez durement,  niaisement et sottement, je n'ai pas osé lui dire qu'il n'avait pas besoin d'avoir peur pour ses 15 louis d'or,  j'ai patienté, et demandé s'il avait fini ?  puis  : dévoué serviteur.  Il a prétendu que je devais partir sous 8 jours,  il est tellement pressé. Je lui ai dit  : cela est impossible   (....)

 

(la suite de l'histoire dans des lettres plus loin.  Il vaut mieux lire cette  correspondance en entier et dans l'ordre chronologique....)

 

 

         Le baron Grimm, autrefois, ne tarissait pas d'éloges sur l'enfant prodige, et toutes ses lettres témoignaient de son admiration.  Comme le dit Mozart, il aurait fallu qu'il reste toujours un enfant...  

 

    Léopold Mozart ,  qui avait quand même un sixième sens pour bien des choses , répondra à son fils  :

 

 

 

"Ce que tu m'écris de la personne que tu sais ne m'étonne guère, car ses lettres m'ont toujours parues suspectes,  et tu aurais mieux fait de m'écrire cela plus tôt..."

 

 

 

 

  Dans un même courrier, se trouve la bonne nouvelle  : 

 

 

"Ton souhait de voir la famille Weber gagner 1000 fl.  est exaucé !  J'ai reçu dès le 15 septembre la nouvelle de Munich que le comte Sceau a engagé Melle Weber au Théâtre allemand pour  600 fl.  Avec les 400 fl.  du père,  cela fait 1000 fl. "  .....

 

 

 

  Oui,  mais alors,  Mozart n'a plus du tout envie de rentrer maintenant !  Munich,  Munich,  il s'y rendra ,  c'est sûr .  Mais d'abord,  il séjournera un certain temps à Strasbourg , et  à Mannheim.   Adieu,  Paris ......  (et pour toujours)

 

 

 

 

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 Chapitre suivant  :  "Les gens disent que tout est si noble en moi"

 

                                                 

 

 

 

 

 

 

 

  



15/09/2011

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