Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "M.Weber ne connait pas l'état de nos finances, je n'en parle à personne..."

                      

                                 

 

 

 

               Wolfgang envisage maintenant déjà de bientôt épouser Aloysia,  et comme elle est désargentée  , (ce qui apparemment lui plait),  il envoie cette lettre à son père,  dans laquelle il se moque des mariages d'intérêt   :

 

 

 

                                                                               Mannheim,  le  7 février  1778

 

 

 

   M. von  Schiedenhofen aurait pu depuis longtemps me faire dire par vous qu'il envisage de se marier.  Je lui aurais composé de nouveaux menuets à cette occasion.  Je lui souhaite de tout coeur bien du bonheur.   C'est encore un mariage d'argent et rien de plus.   Je ne voudrais pas  me marier ainsi  :  je veux faire le bonheur de ma femme et non pas le mien grâce à elle.  C'est pourquoi je veux m'en abstenir et jouir de ma liberté dorée jusqu'à ce que je sois en mesure de  bien nourrir ma famille et mes enfants.   M. von Schiedenhofen a dû choisir une femme riche  ; c'est ce qu'exige la noblesse.  Les nobles ne peuvent se marier par goût ou par amour,  mais uniquement par intérêt, et toutes sortes d'autres considérations   (Il a raison, c'est moi qui note,  et c'est encore valable aujourd'hui)....   Il ne sierait  vraiment pas à de telles personnes d'aimer leur épouse après qu'elle eût rempli son devoir et leur eut mis au monde un gros héritier.

Mais nous autres, pauvres communs mortels, non seulement nous devons prendre une femme que nous aimons et qui nous aime,  mais nous le devons même,  le pouvons et y sommes contraints parce que nous ne sommes pas Noble.  Nous ne sommes pas de haute extraction,  ni gentilshommes,  ni riches mais bien plutôt de basse naissance, vils et pauvres.   Nous n'avons donc pas besoin de femmes riches.  Notre richesse meurt avec nous puisque nous l'avons dans la tête  --  et cela,  personne ne peut nous le prendre,  à moins qu'on ne nous coupe la tête, et alors  -- nous n'avons plus besooin de rien.....

    

     Je vous ai dit dans ma dernière lettre la raison principale pourquoi je ne vais pas à Paris avec les autres.  La  2è vient de ce que j'ai réfléchi à ce que je dois faire à Paris.  Je ne pourrais arriver à quelque chose que grâce à mes élèves,  et je ne suis guère né pour ce travail.  J'en ai ici un exemple flagrant.  J'aurais pu avoir  2 élèves.  Je suis allé 3 fois voir chacun d'eux, puis une fois,  l'un d'eux n'était pas là et je me suis donc abstenu.  Je veux bien donner des leçons par complaisance,  surtout si je voix que quelqu'un a du talent, et de la joie et du plaisir à apprendre.  Mais devoir aller chez quelqu'un à une certaine heure et l'attendre chez moi,  ça m'est impossible même si cela devait me rapporter beaucoup d'argent.  Je ne le peux pas.   Je suis un compositeur.  Je ne dois ni ne peux enterrer le Talent pour la  composition que Dieu,  dans sa bonté, m'a prodigué de telle manière  ( je peux le dire sans orgueil car je le ressens plus que jamais) (.....)

 

 

 

       Cependant,  Mozart fut bien contraint par la suite,  à donner régulièrement des cours de piano,   et jusqu'à la fin de sa vie.  Il préférait sympathiser avec ses élèves,  c'est sûr,  mais de là à prétendre qu'il y trouvait un certain plaisir  et même plus est complètement idiot quand on lit cette lettre,  car c'est bien avec réticence qu'il s'appliqua à donner des leçons , en essayant juste de faire contre mauvaise fortune bon coeur.....

 

 

 

 

        Mais retournons voir Léopold et sa réaction quand il reçut la lettre du 4 février au sujet des Weber.....

 

 

 

 

 

 

 

                                                                               Salzbourg,  le  12  février  1778

 

 

 

 

Mon cher fils   !

 

 

   J'ai lu avec étonnement et frayeur ta lettre du 4.   Je commence à y répondre aujourd'hui,  le  11.   J'ai passé la nuit sans pouvoir fermer l'oeil et suis si épuisé que je peux à peine écrire lentement, mot après mot,  et devrai la finir avant demain.   J'étais toujours en bonne santé,  Dieu soit loué,  mais cette lettre - dans laquelle je ne reconnais mon fils qu'à son erreur de croire tout ce que disent les gens,  d'ouvrir son bon coeur à toutes les flatteries et belles paroles,  de se laisser manipuler par toutes les chimères qu'on lui avance et de se laisser conduire,  par des idées insensées et mal considérées,  à sacrifier son propre renom et ses avantages,  voire même celui de ses vieux et honnêtes parents.   Cette lettre m'a d'autant plus abattu que j'avais le solide espoir que certaines expériences antérieures alliées à mes conseils t'avaient convaincu que pour faire son bonheur ou simplement survivre en ce monde et atteindre son but malgré  tous les gens qui nous entourent, bons,  méchants, heureux,  malheureux,  on doit cacher son bon coeur sous une réserve extrème,  ne rien entreprendre sans réfléchir profondément et ne jamais se laisser emporter par l'enthousiasme subit ou par des idées aveugles.  Je t'en prie,  mon cher fils,  lis cette lettre avec soin,,  prends le temps de la lire en réfléchissant.  Grand Dieu,  les moments de bonheur sont passés où,  lorsque tu étais enfant et petit garçon,  tu n'allais jamais te coucher sans me chanter,  debout sur une chaise, "Oragnia figatafa", ni m'embrasser, très souvent , sur le  bout du nez et me dire que lorsque je serai vieux, tu me mettrais sous un globe de verre fermé,  pour me protéger de l'air et me garder toujours avec toi....

 

   Ecoute moi donc patiemment !  Tu connais parfaitement ma triste situation à Salzbourg.  Tu sais que je gagne mal ma vie, pourquoi j'ai tenu ma promesse en te laissant partir, et tous mes ennuis.  Ton voyage tenait à deux raisons  :  soit à chercher un bon et solide emploi,  soit,  si cela échouait, à te rendre dans une grande ville où l'on peut gagner beaucoup. ...  Il ne dépend que de toi de t'élever petit à petit à une célébrité suprême qu'aucun musicien n'a jamais connue.   Tu le dois aux talents extraordinaires que tu as reçus du bon Dieu.(.....)

 

 

 

 

           Léopold reproche ensuite à son fils ses folies,  ses emballements qui ne mènent à rien,  ses plaisanteries,  même de  "s'être amusé avec sa petite cousine",  ce en quoi Wolfgang lui répondra ce que nous verrons....  Puis il essaie évidemment de lui montrer toute l'utopie de ses projets avec Aloysia  :  " Quel imprésario ne rirait pas si on lui recommandait une jeune fille qui n'a jamais joué sur aucune scène  ?   Ton idée (je peux à peine écrire quand j'y pense,  l'idée de faire des tournées avec Melle Weber a failli me rendre fou.  Mon cher fils  !  Comment peux tu être séduit,  serait-ce même une  heure, par une idée aussi saugrenue qu'on t'a mise en tête  ?   Ta lettre n'est qu'un roman ! "  (.....)

 

 

 

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                                                                                Mannheim,  le  19  février 1778

 

 

 

 

 

Monsieur mon très cher Père  !

 

 

Je ne me suis jamais imaginé autre chose que votre réprobation au sujet du voyage avec les Weber,  car, dans notre situation actuelle,  cela s'entend,  je n'ai pas un instant pensé à l'entreprendre,  mais j'avais donné ma parole d'honneur que je vous écrirais.

M.  Weber ne connait pas l'état de nos finances,  je n'en parle bien sûr à personne.....

  Bien sûr,  le temps est passé où je vous chantais Oragna fiagata fà,  debout sur le fauteuil,  et vous embrassais ensuite sur le  bout du nez,  mais mon respect,  mon amour et l'obéissance que je vous dois en ont-ils diminué pour autant ?   Je n'en dis pas plus .
(....)

  Je suis très vexé de ce que vous m'écrivez de si mordant au sujet de mes joyeuses conversations avec la fille de votre frère,  mais cela ne s'étant pas passé comme ce que vous imaginez,  je n'ai rien à y répondre .......

   Tout est vrai de ce que vous dites au sujet de Melle Weber.  Et en vous parlant d'elle,  je savais comme vous qu'elle est trop jeune,  que l'action lui manque et qu'elle doit avant tout réciter au théâtre....  Ces braves gens sont las d'être ici comme -vous savez bien qui et où- .   Ils croient de plus que tout est réalisable et je leur avais promis de tout écrire à mon père   (......)

 

 

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                                                                                       Mannheim, le 21-22 février

 

 

 

 

Monsieur mon très cher Père  !

 

 

  Voici deux jours que je reste à la maison et prends de la poudre antispasmodique,  de la poudre noire et du thé de fleurs de sureau pour me faire transpirer,  parce que j'ai eu un catharrhe, du rhume,  mal à la tête,  mal à la gorge,  mal aux yeux et aux oreilles.  Cela va maintenant beaucoup mieux ,  Dieu merci,  et j'espère pouvoir ressortir demain puisque c'est dimanche.

  J'ai bien reçu votre lettre du 16 avec les deux lettres de présentations ouvertes pour Paris.   Je suis heureux que mon aria française vous ait plu.  Je vous prie de m'excuser de ne pas vous écrire beaucoup pour cette fois ,  mais je ne le peux.  J'ai peur que les maux de tête me reviennent, et de  plus ,  je ne suis pas du tout en humeur d'écrire aujourd'hui...  On ne peut pas non plus confier au papier toutes ses pensées -- moi, tout au moins....
   Par ma dernière lettre,  vous aurez appris tout ce qu'il en est.  Je vous prie de croire de moi tout ce que vous voulez excepté du mal.  Certaines personnes pensent qu'il est impossible d'aimer une jeune fille pauvre sans avoir de mauvaises pensées.  Et le joli mot de "maitresse",  p....n  pour parler clair,  est tellement plaisant  !  Je ne suis ni un Brunetti,  ni un Misliweczeck  ! 
(Il souffrait d'une maladie vénérienne)....   Je suis un Mozart,  et un jeune Mozart bien-pensant.   Vous me pardonnerez donc,  je l'espère,  si j'ai tendance à m'enthousiasmer,  dans mon ardeur.....

   Parmi mes défauts,  j'ai aussi celui de toujours croire que mes amis qui me connaissent savent ce que je vaux  !  Nous n'avons pas alors besoin de beaucoup de mots.  Et s'ils ne me connaissent pas,  oh,  où trouverais- je alors suffisamment de mots  ?  Et qu'il est fâcheux de devoir recourir à la parole et aux lettres  !  Cela n'est pas écrit à votre adresse,  mon cher papa,  non  !  Vous me connaissez assez et êtes trop bon pour attaquer tout de suite l'honneur des gens  -- je ne pense qu'à ceux  -- qui savent que c'est à eux que je m'adresse  : ceux qui pensent ainsi.  --

 

  Je suis résolu à rester à la maison aujourd'hui encore,  bien que ce soit maintenant dimanche,  car il neige vraiment trop.  Demain,  je suis obligé de sortir car la nymphe de la maison,  Mellle Pierron, mon honorable élève,  rabâchera le concerto du la noble comtesse Lutzow,  au concert français de lundi.   Pour ma plus grande  Prostitution,   je me ferai également donner quelque chose à hacher et veillerai à le marteler Prima festa.  Car je suis un tapoteur-né et ne sais faire autre chose que taper sur un clavier  !

Je vous prie maintenant de me permettre d'arrêter ici cette lettre car je ne suis guère d'humeur à écrire aujourd'hui,  mais plutôt à composer......

 

 

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                                                                         Salzbourg,  les 25 et 26  février

 

 

 

Ma chère épouse et mon cher fils  !

 

Je vais ,  Dieu merci, à nouveau un peu mieux mais je ressens toujours de temps en temps certaines palpitations d'angoisse,  ce n'est toutefois pas étonnant,  les soucis ne me lâchent pas.  (....)

 

  J'ai déjà écrit,  mon fils , que j'approuve que tu ne sois pas allé en cette compagnie (les Wendling et les Ramm)  .  Un père qui laisse ainsi déchoir sa fille par intérêt est abject.  J'aurais découvert à la première visite leur manière de vivre et aurais rendu compte à mon père .  Ta mère au moins aurait dû le faire.  Elle doit en témoigner à Dieu et être plus prudente la prochaine fois.

 

  Pour les Weber,  il semble que le bon Dieu t'ait retenu à cette société par un enivrement incompréhensible, qui t'a fait oublier même notre situation,  c'est un peu fort  !  (.....)

 

   Je n'ai moi-même pas d'argent,  au nom de Dieu.   Je ressemble au pauvre Lazare.  Ma robe de chambre est pleine de trous,  au point que si quelqu'un sonne le matin , je dois m'enfuir.  Ma vieille chemise de flanelle que je porte nuit et jour depuis des années est tellement déchirée qu'elle me tient à peine au corps et je ne peux me faire faire ni une autre robe de chambre ni une chemise.  Depuis que vous êtes partis,  je ne me suis pas fait faire de nouvelles paires de chaussures.   Je n'ai plus de bas de soie noirs.  Le dimanche,  je mets de vieux bas blancs  et toute la semaine,  je porte des bas de laine noire que j'ai achetés pour 1 fl.  12 kr.  Si on m'avait dit, il y a quelques années, que je devrais porter des bas de laine et que je serais bien content de prendre tes vieux chaussons de feutre quand il gèle et fait sec pour y mettre de vieilles chaussures, que je devrais mettre 2 ou 3 vieilles chemises l'une sur l'autre pour me protéger du froid,  l'aurais-je cru?   (......)

 

 

 

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                                                                                      Mannheim,  le 7 mars  1778

 

 

 

Ma très chère soeur  !

 

  Il faut que tu t'imagines très fort,  ma soeur chérie,  que je t'ai écrit une lettre extra --

 

  Je viens te remercier pour les 5O fl.  que tu m'as si gentiment prêtés et qui étaient si nécessaires.  Je te fais par ici de mes compliments et de ma joie indescriptible devant ton bon coeur.  Je regrette très fort d'être obligé pour un temps de te priver de ces 50 fl.  mais aussi vrai que je suis ton frère fidèle,  je ne trouverai pas de repos avant d'avoir totalement remboursé ce que tu as fait pour moi de si bon coeur.  Lorsqu'on a une si gentille soeur,  on est un frère heureux.  Je te prie de mettre toute ta confiance en moi et de ne jamais croire que je t'oublie.
   Pense sans cesse que tout ne se passe pas toujours totalement comme on le souhaite.  Tout s'arrangera.  Sois appliquée et n'oublie pas ton jeu galant en déchiffrant les partitions afin que je ne passe pas pour un menteur auprès des gens,  car j'ai toujours raconté que tu joues avec plus de précision que moi.  Addieu,  donc ma chère soeur.  Je crois en Dieu...Dieu sait mieux que nous ce qui doit arriver  ......

 

 

 

 

 

 

                               Paris.   Il devait arriver Paris,  la France....  Pourtant,   que d'échecs et de douleurs Wolfgang allait-il connaitre dans notre pays où sa mère fut même enterrée...

 

     Peut-être,  du reste,  pour cela,  avons-nous avec lui un lien plus puissant que les autres nations ?     ...

 

 

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Chapitre suivant : Je ne vois souvent ni rime ni raisons à rien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



14/09/2011

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