Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "Je répugne à me laisser regarder de tous côtés"

  

 

                    Baronne Maria Anna von Berchtold zu Sonnenburg  (Nannerl)

                          à  Bretitkopf & Hartel à Leipzig

 

 

 

Le 8 Février  1800,

 

 

   La biographie de Monsieur le Prof.  Nietmetschek a réveillé en moi les sentiments fraternels pour mon frère si tendrement chéri,  de sorte que j'ai souvent éclaté en sanglots, puisque je n'ai découvert que maintenant la triste situation dans laquelle mon frère se trouvait.....

 

 

 

 

     La dernière lettre connue de Mozart à sa soeur date du 2 août 1788, et Nannerl écrira qu'elle n'avait plus rien reçu depuis cette époque.   Il est certain qu'il n'osa jamais l'informer du gouffre financier dans lequel il se trouvait 

 

 

Musée de Mozart à Saint-Gilgen où  habitait sa soeur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de 'Mozart, l'aimé d'Isis"  de Christian Jacq

 

 

 

Vienne,  le  23 septembre 1790

 

 

   Gaukerl fit ses yeux les plus tristes,  tel un chien abandonné.

- Cette fois,  regretta Wolfgang,  je ne peux pas t'emmener.  Tu vas garder la maison et veiller sur Constance et Carl  Thomas.

   Le  15,  Mozart avait subi une nouvelle humiliation de la part de Léopold II. Le roi et la reine de Naples,  Ferdinand et Marie-Caroline,  beau-frère et soeur de l'empereur,  se trouvaient à Vienne pour fêter les fiançailles de leurs filles avec les archiducs Franz et Ferdinand,  fils de Léopold II.  Plusieurs musiciens,  dont Haydn et Saliéri,  avaient été invités aux concerts de la cour.

   Mais pas le Franc-Maçon Mozart.

   Et le 2O,  lors de sa première apparition publique au théâtre,  Leopold II avait choisi un opéra de Saliéri,  titulaire du principal poste de musicien..

   Mozart,  lui,   demeurait confiné dans sa fonction médiocre et subalterne.

   Seule solution  : se rendre aux cérémonies du couronnement,  à  Francfort-sur--le-Main,  y afficher son talent,  et corriger tant d'injustices.

   Cette fois , impossible de faire appel à Puchberg,   qui aurait considéré cette entreprise comme une folie.

   Constance,  elle, désirait que son mari retrouvât le goût de vivre et composer.

   Wolfgang vendit son argenterie et des meubles,  emprunta 1000 florins remboursables en deux ans à l'usurier Heinrich  Lackenbacher et obtint de l'un de ses éditeurs,  Le Frère Hoffmeister,  une garantie de 2000 florins en échange de draps luxueux et d'oeuvres à venir.

   Grâce à ce montage financier,  le compositeur assumerait les frais du voyage et circulerait dans sa propre voiture,   très confortable,  évitant ainsi beaucoup de fatigue.  L'accompagnaient son beau-frère violoniste,  Franz Hofer,  et son domestique,  Joseph.....

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                           Francfort sur le Main,  le  30 septembre 1790

 

 

 

 

A sa femme à Baden ou Vienne

 

 

 

Très chère petite femme de mon coeur  !

 

   Si seulement j'avais une lettre de toi,  tout me serait égal.  Je t'ai dit dans ma dernière lettre de parler au visage de groseille  (sans doute le clarinettiste Anton Stadler précisent les commentaires...).  Pour plus de sécurité, je préférerais avoir 2000 fl sur endossement de H...  (sans doute Hoffmeister).  Mais tu dois avancer une autre raison,  en disant que j'ai en tête une spéculation que tu ignores.

   Ma chérie  !  Je gagnerai sans aucun doute quelque  chose ici,  mais ce n'est certes pas aussi assuré que toi et divers amis  vous imaginez.   Je suis ici assez connu et apprécié,  c'est certain.  Maintenant,  nous verrons.  De toute façon,  j'aime jouer à coup sûr et c'est la raison pour laquelle j'aimerais conclure l'affaire avec  H... Car ainsi,  j'obtiens de l'argent sans avoir à payer.   Uniquement à travailler  (des compositions pour H.),  et cela je le fais volontiers pour l'amour de ma petite femme....

   Comme je ne sais pas si tu es à Vienne ou à Baden,  j'adresse à nouveau cette lettre à la Hofer.   Je me réjouis comme un enfant de te retrouver.   Si les gens pouvaient voir dans mon coeur,  je devrais presque avoir honte.   Tout me semble froid,  glacé.  Oui,  si seulement tu étais près de moi,  je trouverais peut-être plus de plaisir à l'attitude des gens à mon égard,  mais ainsi,  tout est si vide.  Adieu, chérie,  je suis à jamais 

ton Mozart

qui t'aime de toute son âme.

 

 

 

 

 

 

 

 

L'aimé d'Isis

 

 

Vienne,  le 30 septembre 1790

 

 

   Constance,  Carl Thomas et Gaukerl emménagèrent au 970 Rauhensteingasse, au premier étage de "la petite maison impériale",  près du centre de la ville.  D'une surface de 145 m2,  l'appartement  de quatre pièces était assez sombre,  à l'exception de l'agréable cabinet de travail clair et bien aéré  par deux fenêtres d'angle que la jeune femme réservait à son mari.  Une porte vitrée le séparait de la salle de billard,  la distraction préférée du couple.

 

 

       

          Salle de jeux de la Maison Mozart

 

 

 

   Pourvu de grande cheminée et d'un tuyau destiné au poêle du salon,  le vestibule servait de cuisine.  On y installa deux tables,  deux lits,  une armoire et un paravent.  Là coucheraient les deux domestiques.  Dans la première pièce,  deux commodes, un sofa,  six sièges et une table de nuit.  Dans la deuxième,  trois tables,  deux divans,  six sièges,  deux armoires laquées, un miroir et un lustre.  Dans la troisième,  le billard avec cinq billes et douze queues,  une table,  une lanterne,  quatre chandeliers,  un poële,  le lit conjugal et un lit d'enfant.  Dans la quatrième,  le cabinet de travail,  un pianoforte à pédale, un alto, une table, un canapé, six chaises, un bureau, une horloge,  deux bibliothèques, un secrétaire,  soixante pièces de porcelaine,  cinq chandeliers dont deux en verre, deux moulins à café et une théière en fer-blanc.

  Restaient à ranger cinq belles nappes,  seize serviettes de table,  seize de toilette et six draps.  Constance espérait que ce nouveau cadre de vie plairait à Wolfgang et qu'il y retrouverait l'inspiration...

 

 

(D'après l'inventaire dressé après sa mort....  Mozart n'avait donc presque en rien réduit son train de vie,  et payait même des domestiques,  sans doute pour garder la face devant Vienne, où toute autre attitude aurait été considérée comme une déchéance totale (?)

 

.

 

 

 

 

 

                                                  

 

 

                                                                    Francfort sur le Main,  le  3 octobre 1790

 

 

 

 

 

 

Très  chère,  excellente petite femme de mon coeur  !

 

  Je suis maintenant consolé et heureux. D'abord parce que j'ai reçu de tes nouvelles,  ma chérie,  ce que j'attendais avec tant d'impatience.  Deuxièmement,  à cause des informations rassurantes concernant mes affaires. J'ai fermement décidé d'écrire tout de suite l'Adagio pour l'horloger,  et de faire jouer quelques ducats dans les mains de ma chère petite femme....

   Je vis encore très retiré jusqu'à ce jour,  je ne sors pas de la matinée mais reste dans ce trou qui est ma chambre,  et compose.  Ma seule distraction est le théâtre où je retrouve pas mal d'amis de Vienne,  Munich,  Mannheim,  et même de Salzbourg... C'est ainsi que j'aimerais continuer à vivre mais je crains que cela ait une fin,  et qu'une vie mouvementée ne commence,  on veut déjà partout m'avoir,  et si je répugne à me laisser regarder de tous côtés,  j'en reconnais néanmoins la nécessité,  et,  au nom de Dieu,  je dois en passer par là.....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'aimé d'Isis

 

 

Francfort sur le Main,  le  8 octobre  1790

 

  

   Le 4,  Leopold II avait fait une entrée tonitruante dans la ville de son couronnement avec une suite de 1493 carrosses,  chacun tirè par quatre ou six chevaux.  Et Saliéri se pavanait parmi les invités.

   Contrairement aux prévisions,  le directeur d'une troupe de Mayence ne redonna pas Don Juan mais un opéra de Ditters von Dittersdorff,  L'Amour à l'asile.   Détestant les Francs-Maçons,   il ne voulait surtout pas aider Mozart à briller.

   Toujours soucieux de son avenir financier,  Wolfgang supplia Constance de mener à bien l'affaire commencée avec son frère Hoffmeister et de se faire assister d'Anton Stadler si nécessaire.  Ainsi une belle somme rentrerait rapidement.

   Grâce à l'aide de Schweizer et de la comtesse Hatzfeld,  il ne tarderait pas à donner un concert dont il n'attendait pas une fortune,  car les habitants de Francfort étaient encore plus pingres que les Viennois  !

(je rappelle que Jacq suit aussi au jour le jour la correspondance,  et mentionne d'autres documents).

     Dès son retour, il proposerait des petites musiques en quatuor en souscription et prendrait de nouveaux élèves :

 

"Si seulement tu pouvais voir dans mon coeur,  il s'y déroule un combat entre le souhait de te revoir et t'embrasser,  et l'envie de ramener beaucoup d'argent à la maison.  Je t'aime trop pour pouvoir rester séparé de toi trop longtemps.  Et ce qu'on fait dans les villes de l'Empire n'est qu'ostentation  ! "

 

   Wolfgang se rendit compte à quel point il avait changé.  Les voyages, la gloire,  les applaudissements,  les contacts superficiels,  tout cela ne l'intéressait plus.

   Un autre destin l'appelait.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francfort sur le Main,  le  15 octobre 1790

 

 

    Le 12,  la troupe de Boehm s'était amusée à monter l'Enlèvement au sérail et ,  le 15 à onze heures du matin,  Mozart avait enfin réussi à donner,  au théâtre municipal,  le concert tant espéré.  Jusqu'à quatorze heures,  vêtu d'un bel habit de satin,  il joua deux concertos

(Concertos N° 19 et 26,  à l'écoute partielle sur ce site),  dirigea une symphonie et termina par des improvisations.

   Maigre public,  échec financier.  La tête ailleurs,  Francfort souhaita néanmoins une nouvelle académie.  Dépité,  ne songeant qu'à retourner à Vienne, Wolfgang accepta.

   Le  16,  il quitta avec joie la ville du couronnement et s'arrêta chez un célèbre éditeur de musique,   Johann André.

- Vos oeuvres sont devenues trop difficiles,  Mozart.   Un seul impératif  :  rapprochez vous des goûts du public.

- Je préfère mourir de faim plutôt que de travailler contre ma propre vision de la musique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                          Francfort sur le Main,  le  15 octobre

 

 

 

A sa femme ....

 

 

   Oh dieu,  aime moi seulement moitié moins que moi je t'aime,  et je suis satisfait.....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Leipzig,  le  28 FEVRIER  18OO

 

 

Breitkopf & Hartel

A la Baronne Maria Anna von Berchtold zu Sonnenburg  (Nannerl)

 

 

 

    De nombreuses lettres manuscrites de Monsieur votre frère,  si grand de coeur et d'esprit,  lettres adressées à plusieurs de ses amis et même à son épouse,  et que nous avons pu obtenir,  nous incitent fort souvent à regretter qu'il n'ait pas eu plus de chance dans bien des affaires importantes et que son ambition ait eu à surmonter bien des difficultés.  Nous reviendrons avec gratitude et respect dans sa biographie sur les éléments que vous nous avez communiqués et sur le  témoignage de  votre affection fraternelle à son égard.  Nous vous remercions de votre complaisance à nous venir en aide tant pour sa biographie que pour l'édition de ses oeuvres.

   Nous aimerions pouvoir faire de même avec sa  veuve  !    Mais celle-ci semble faire passer son avantage immédiat avant toute  considération de la mémoire de son mari......

 

 

 

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L'aimé d'Isis

 

 

 

Vienne,  le  10 novembre 1790

 

 

   Le petit Carl Thomas , âgé de six ans,  embrassa son père.  Jaloux,  Gaukerl exigea de longues caresses.  Ses premiers devoirs accomplis,  Wolfgang put enfin étreindre Constance.

- Comment trouves tu notre nouvel appartement ?

- Superbe !

- Viens voir ton cabinet de  travail.

  Le compositeur apprécia d'emblée la pièce la plus claire de la maison où il comptait noircir beaucoup de papier à musique.

- Merci d'avoir si bien géré nos affaires ,  ma chérie,  tout en t'occupant de ce déménagement.  Grâce à l'aide inattendue de Francort et aux petites sommes que je rapporte,  nous pouvons signer immédiatement un emprunt de 1000 florins en hypothéquant notre mobilier.....

- Voici une lettre en provenance d'Angleterre.

   Il la décacheta et lut un texte surprenant  :

 

  " A Monsieur Mozart, célèbre compositeur de musique à Vienne

 

   Par une personne attachée à Son Altesse Royale le prince de Galles,  j'apprends votre dessein de faire un voyage en  Angleterre,  et comme je souhaite connaître personnellement les gens de talent,  et que je suis actuellement en état de contribuer à leurs avantages,  je vous offre,  Monsieur,  une place de compositeur.  Si vous êtes donc en état de vous trouver à Londres vers la fin du mois de décembre prochain pour y rester jusqu'à la fin de juin 1791,  et de composer au moins deux opéras sérieux ou comiques,  je vous offre trois cents livres sterling ....  Si cette proposition peut vous être agréable,  et si vous êtes en état de l'accepter,  faites moi la grâce de me donner une réponse à vue,  et cette lettre vous servira de contrat.

J'ai l'honneur d'être,  Monsieur,  votre très humble serviteur,

Robert Bray O'Reilly,  Directeur de l'0péra italien de Londres."

 

  

   L'Angleterre,  le pays de la liberté,  une gloire nouvelle,  deux opéras,  de l'argent....

Mais il fallait se plier au choix de la Direction et quitter Vienne pendant de longs mois au cours desquels il comptait travailler à son prochain opéra rituel en compagnie d'Ignaz von Born.

   A Londres,  il serait à l'abri,  loin de la police,  de la jalousie ,  mais avait-il le droit d'abandonner sa Loge,  et de fuir comme un lâche ?

   Cette proposition venait trop tard ou trop tôt.  Avant d'être initié,  Mozart aurait répondu favorablement....

 

 

 

 

 

 

 

 

Vienne,  le  5  décembre  1790

(Mozart n'a plus qu'une année à vivre)

 

 

   Grâce à deux nouveaux élus élèves,  Mozart gagnait mieux sa  vie.  Au docteur Frank,  il avait demandé :  "Jouez moi quelque chose'.  Et le pianiste amateur s'était exécuté de son mieux.

- Pas mal !  Ecoutez ceci.

  De ses doigts agiles et charnus,  Wolfgang développa de manière stupéfiante le thème balbutié par Frank...

(plusieurs témoignages semblent dire au contraire que Mozart avait les mains assez fines,  voir délicates...)

- Quel miracle  !  s'étonna le docteur.  Sous vos mains ,  le piano se transforme en plusieurs instruments !

   Wolfgang ne savait pas enseigner autrement.  Les leçons l'ennuyaient au point qu'il passait le plus clair de son temps à improviser,  préparant ses oeuvres futures.  Et ce n'était pas ce maudit Adagio et Allegro pour orgue mécanique qui lui redonnait envie de créer  ! Il fallait pourtant terminer cette commande d'un curieux personnage,  le comte Joseph Deym, alias Muller,  naguère obligé de quitter Vienne à cause d'une sombre histoire de duel...

- Je me demande parfois si j'en viendrai à bout, confessa t'il  à Constance.

- Débarrasse toi vite de ce fardeau.
- J'y retourne.

   Constance masquait son inquiétude.   Quand le génie de Mozart s'exprimerait-il à nouveau ?    .....

 

 

 

                                      

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Chapitre suivant  : Mozart, lui, venait de l'au-delà

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                       

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

  

                                                                                                               

                                                               

                                                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                   

 

 

 

 

                                                                             

 

 

 

 

                                                     



29/09/2011

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