Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

"Fragile comme le verre"

 

Mozart au clavecin, par Duplessis (1765)

 

 

    "Le bonheur est fragile comme le verre"  écrit Léopold,  le 3O octobre 1762, à son ami Hagenauer.

 

       Le petit Wolfgang,  un enfant menu et délicat,  qui fait des miracles au piano,  vient de tomber malade !  Le  18 septembre, toute la famille Mozart est partie pour Vienne,  et le petit garçon a donné, à Passau, un concert  chez le prince-évêque Joseph von Thun-Hohenstein.  Suivra le 4 octobre un concert à Linz, puis à Ybbq,  il joue à l'orgue de l'église des franciscains.  Ensuite, à Vienne, commence pour les deux enfants Mozart la vie mouvementée que l'on connait.  Le 21 octobre, déjà,  Wolfgang n'est pas bien  : erythème noduleux, sorte de scarlatine, diront les médecins....  "Comme une cruche de vinaigre se casse vite ! poursuit Léopold dans sa lettre.

Mais où est la cruche, où est le bonheur ?  Il s'agit juste d'un enfant à la constitution fragile qui vit un peu trop sur sur des chapeaux de roues.   Les médecins lui trouvent un mauvais état général.

 

      "Il lui est sorti en même temps une molaire, ce qui lui a occasionné une fluxion de la joue gauche....  Cet incident m'a fait perdre 50 ducats, calculés au plus juste, poursuit Léopold !

 

 

         Bah, à cet âge, on se remet vite,  tout enfant ordinaire aurait d'ailleurs été content d'être alors privé d'école.  Wolfgang Mozart est privé de concert, et pendant un mois car "ici la noblesse viennoise a peur de la vérole et de toutes les éruptions et de ce fait, la maladie de Wolfgang nous a retardés de 4 semaines."  Pas de chance.

 

    "Mais depuis qu'il est guéri,  écrit Léopold,  nous avons gagné 21 ducats.  "  On est rassuré.  Pas Léopold,  qui continue sur le même ton et continue de parler d'argent sur plusieurs pages...

 

 

   En Juin 1763,  nouveau départ sur les routes  :  Munich, Francfort, Cologne, Bruxelles, Paris....

 

   A sept ans, le premier andante de Mozart  surprend déjà par un sérieux inattendu.....

 

 

   Le  18 novembre  1763,  les Mozart arrivent en France pour la première fois.  Léopold juge très mal les français,  cependant qu'il n'hésite pas à leur faire des courbettes.  Le petit, lui,  suit les volontés du papa.  Mais il vit aussi dans son monde bien à lui.... Dans son roman "Le grand magicien,  Mozart , tome 1",   Christian Jacq fait surgir un personnage venu de l'invisible, de l'imagination du petit Wolfi :  "Thamos",  qui ne la quittera plus  !  Bien sûr, ce personnage n'existe pas vraiment,  c'est juste une sorte de guide spirituel que Mozart avait peut être effectivement en lui,  comme sa musique parfois surnaturelle,  comme ce royaume imaginaire qu'il s'est inventé  le RUCKEN,  pendant ses voyages en diligence....

 

 

 

   Le  15 novembre 1765,  au cours d'une tournée en Hollande,  le garçon tombe cette fois grâvement malade.  Typhus,  congestion pulmonaire comme sa soeur qui faillit en mourir ?  A son tour,  le petit, qui a dû être ébranlé par la maladie de Nannerl,  s'alite pour longtemps. Il dépérit de jour en jour, et,  à la fin,  n'a plus que  "la peau sur ses petits os."

 

 

   Le 2O décembre, contre toute attente,  il se sent mieux, et son premier geste (selon son père) est de composer une symphonie, et en sol mineur, (comme la 25ème, et la 4Oème); tonalité tragique entre toutes...

(je pense qu'il s'agit là plutôt de la Symphonie n° 5 en si bémol majeur, un vrai petit chef-d'oeuvre de jeunesse,  et du 2ème mouvement en sol mineur).

 

 

 

     Juin  1766,  Léopold continue d'entrainer toute sa famille sur les routes, et bien qu'il n'aime pas la France,  il y revient.... Mais à Paris,  le succès n'est déjà plus au rendez- vous.

En juillet, concerts à Dijon, en août à Lyon, en septembre à Genève , puis un long voyage à travers la Suisse....  Voltaire refuse de recevoir Wolfgang,  qui lui en voudra toujours.

 

    

      Il a maintenant dix ans et n'est plus considéré comme un jeune prodige.... Toujours ,apparemment, de bonne humeur (mais en fait Léopold s'étend très peu sur son comportement),  n'en garde t'il pas déjà une certaine amertume,  lui que les princesses semblaient adorer quand il ressemblait encore à un bébé  ?  Il était adulé, il ne l'est déjà plus.  Comment n'en éprouverait-il pas déjà un certain désenchantement ? 

 

 

     A Munich,  le 9 novembre, après avoir joué devant le Prince, il s'évanouit.  Il est tout à fait épuisé, cette fois.

 

     Le 3O novembre,  les Mozart sont de retour à Salzbourg,  avec un capital de 7OOO  florins.  Repos..  Répit de courte durée ,  puisqu'ils doivent déjà tous repartir pour Vienne.  Léopold espère maintenant sérieusement un poste pour son fils,  un emploi stable,  alors qu'il n'a pourtant que 11 ans  !

 

 

      Mais le sort en décidera autrement.  A Vienne, tout ce qui les attend,  c'est une épidémie de variole.   Des princesses meurent , comme les autres.  Léopold hésite à abandonner Vienne et ses projets,  mais quand il se décide,  toute la famille se réfugiant en Moravie,  il est déjà trop tard.  Et c'est bien le petit être fragile mais "toujours heureux"  qui est touché.  Et grâvement  : enflé de partout,  jusqu'aux yeux, il perd presque la vue, il délire....
Il en gardera quelques séquelles sur son beau visage ?  Qu'importe. Comme les cicatrices d'une vie, elles lui iront sûrement très bien.

 

 

     L"épidémie de variole terminée,  les Mozart retournent quand même à Vienne le 23 décembre.....

 

 

 

 

 

         Léopold,  qui impose à son fils un rythme de vie trépidant,  le trouve pourtant parfois trop rêveur, trop éloigné de la réalité,  voir pas assez actif ni entreprenant, comme il le lui reprochera encore plus tard à Paris,  encouragé en cela par le Baron Grimm, une sorte d'être haineux et faux qui fera semblant de vouloir aider Wolfgang mais l'enfoncera....

Comment, avec la vie qu'il menait, avec la musique dans laquelle il était tout le temps 'immergé, fourré" , aurait-il pu apparaitre en plus   pragmatique ou pratique  ?  Il l'avoue lui même  : il était incapable de s'occuper de ses vêtements , de son ménage,  tous les détails matériels l'ennuyaient et lui faisaient perdre du temps .  On peut le comprendre.

 

 

 

     Décembre  1769

 

  Maintenant Léopold veut conquérir l'Italie,  et il part seul avec son fils. Dans la diligence, le jeune rêveur inactif qui ne cesse de composer écrira quatre nouvelles symphonies....

 

    En  Italie, où il déclenche un engouement certain,  on l'appelle Amadeo, et il s'en amuse.  D'ailleurs,  l'Italie le vivifie, l'ennivre un peu....  Tombe t'il lui aussi un peu amoureux, et de ce joli et tendre  garçon ,  Thomas Linley,  qui pleurera après son départ ?   amour sans aucun doute platonique,  comme il convient à cet être  un peu à part, et de toutes façons, papa Léopold veille à tout débordement.  De lui, Wolfgang héritera d' un certain dégout pour les gens aux moeurs légères et faciles,  qui se manifestera plusieurs fois dans sa correspondance,  (aussi ceux qui l'ont présenté comme un libertin n'ont décidément pas bien lu ses lettres !)

 

 

    Après  Rome, Mantoue, Milan,  Naples, Bologne, Vérone,  retour à ..... Salzbourg  !

Il neige,  et Wolfgang, sur qui s'abat une lourde tristesse, tombe malade, on ne sait trop de quoi au juste.  Colloredo vient tout juste d'être élu Prince Archevêque et peut être sent-il obscurément que cela ne lui portera pas bonheur....  Contre tout espoir, Léopold n'a pas réussi à l'imposer à Vienne, et il n'a obtenu aucun poste, il a même rencontré un certain mépris. 

    Tant de beautés, pourtant,  visibles ou cachées, figurent dans ses compositions, ses opéras, ses symphonies, ses premières sonates....  Comment le jeune homme ne souffrirait il pas un peu de ne pas être reconnu à sa juste valeur ?

 

    Au lieu de ça,  il devra se contenter d'un poste de Maitre de Chapelle à la Cour de Salzbourg,  pour un salaire de 15O florins.  Et il est obligé, pour satisfaire au goût du public,  de produire des oeuvres de commande, légères et sans profondeur.  S'il s'essaie à un opéra avec un certain goût du tragique comme" Lucio Silla", il subit aussitôt un échec cuisant.  Il écrit aussi un poignant adagio en mi mineur qui ne sera compris de personne....

 

    Et d'où lui  vient cette étrange douleur, à ce jeune compositeur dont l'enfance fut "si heureuse"  ?   Il n'a pourtant pas encore vécu ses pires instants, comme à Paris en 1778, ou à Munich ce terrible jour de noel avec l'indifférente Aloysia....  Ses accès de gravité (sur lesquels évidemment il ne s'expliquera jamais),  son père Léopold s'en inquiète même, et lui déconseille de les faire passer dans ses compositions.... Double détresse alors, s'il ne peut pleinement exprimer ce qu'il voudrait....

 

 

    Les symphonies se succèdent donc,  assez lisses.  Parfois, pourtant , le jeune compositeur se révolte malgré lui.  Dans la 25ème en sol mineur, le tonnerre gronde, préfigurant l'autre en sol mineur, la 40ème, ou le Concerto pour piano N° 2O.....

 

    La 29ème symphonie, elle aussi, surprend par son sérieux et ne plait à personne...

Mais maintenant Mozart est là,  tout entier,  face à son destin .  L'Italie,  les espoirs dérisoires qu'ont fait naitre en lui le Padre Martini,  les faux soupirants,  les admirateurs supeficiels,  les princesses de son enfance dont il appréciait plus ou moins les bisous, tout cela est déjà loin ....   Maintenant,  même si on le brime ou l'humilie, il le sent, il le sait,  il n'y a plus qu'elle,  elle est en lui toute entière, et plus  que jamais.   Il est seul avec elle, SA musique, et jamais il ne la trahira,  il ira au bout de ce don du ciel que Dieu lui a donné....

 

 

 

 

 

 

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11/09/2011