Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "Les gens disent que tout est si noble en moi"

 

 

     Mozart vient de quitter Paris et les françaises qui n'ont vraiment eu aucun charme à ses yeux,  la plupart étant pour lui des "catins".  Il ne rêve que de retrouver celle qu'il doit voir comme un ange de pureté  :  Aloysia,  à laquelle il ne cesse de penser depuis Mannheim.  Elle se trouve maintenant à Munich où sa situation s'est déjà grandement améliorée et tout doucement, en passant par  Nancy,  puis Strasbourg,  Mannheim,  il se dirige en sa direction...

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                    Nancy, ce 3 octobre 1778

 

 

 

 

Mon Très cher Père  !

 

   Je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir annoncé mon départ depuis Paris, mais la chose a été si précipitée,  au-delà de mes suppositions, de mes intentions et de ma volonté,  qu'il m'est impossible de vous le décrire.... 

   Un mot seulement : figurez vous que Mr Grimm m'a raconté que je partirais par la diligence et arriverais à Strasbourg en 5 jours.  Ce n'est que le dernier jour que j'appris que c'était une autre  voiture,  qui va au pas,  ne change pas de chevaux et met 1O jours. Vous pouvez facilement imaginer ma colère.  Mais je n'y laissai libre cours que chez mes bons amis, et chez lui,  je me suis montré tout joyeux et satisfait.  En arrivant à la voiture,  j'ai appris l'agréable nouvelle que nous voyagerions pendant 12 jours.  Voyez la grande sagesse de M. le baron v. de Grimm !   Pour faire des économies,  il m'envoie par la voiture lente sans penser que les frais reviennent au même puisqu'il faut plus souvent consommer dans les auberges.  Maintenant,  c'est fini.  Ce qui m'a le plus affligé dans cette histoire,  c'est qu'il ne me l'a pas dit tout de suite.  Il a fait des économies pour sa  bourse,  pas pour la mienne,  car il payé le voyage  (sans nourriture)  et si j'étais resté encore 8  ou 10 jours à Paris, je me serais mis en état de payer moi-même mon voyage, et plus agréablement.....

 

  Je n'apporte pas grand chose de neuf pour ce qui est de ma musique, car je n'en ai pas beaucoup composé.  Je n'ai pas les 3 quatuors et le concerto pour flûte de Mr Dejean, car lorsqu'il s'est rendu à Paris,  il les a mis dans le mauvais coffre et ils sont donc restés à Mannheim,  il m'a promis de me les envoyer dès qu'il sera de retour à Mannheim,  je chargerai  Wendling de cette commission.   Je n'apporte donc rien de terminé , sinon mes sonates  (sonates pour piano-violon  K 301  à  K  306).  Car les 2 ouvertures et la Synfonie Concertante (orthographe en français)  ,  Legros me les a achetées.  Il croit être le seul à les avoir, mais ce n'est pas vrai ;  je les ai encore toutes fraiches en tête et les  coucherai sur le papier dès mon retour à la maison.... 

 

 

 

                                                                      &&&

 

 

 

 

 

 

                                                                                 Strasbourg,  le  26 octobre 1778

 

 

 

Mon très cher Père  !

 

   Comme vous le voyez,  je suis encore ici et ce,  sur les  conseils de M.  Franck et de quelques autres héros Strasbourgeois,  mais je pars demain.   Dans ma dernière lettre, je vous ai écrit que je donnerai le samedi  17 une sorte de petit concert modèle,  car ici il est encore plus difficile qu'à  Salzbourg de donner des concerts.  J'ai joué tout seul,  n'ai pas pris de musiciens pour ne rien perdre.   Bref,  j'ai gagné en tout  3 louis d'or,  mais le principal a consisté dans les  Bravo et Bravissimo  qui ont de toutes parts volé vers moi.  Le Prince  de Zweibrucken a également honoré la salle de sa présence.  Inutile de vous dire que tout le monde fut content ...

   

   Le 2 novembre,

Le  31 octobre,  jour de ma fête,  je me suis amusé quelques heures , ou plutôt ,  j'ai amusé les autres.  J'ai redonné un concert qui,  après avoir payé les frais  (peu importants cette fois) m'a en tout et pour tout rapporté  1  Louis d'or.  Vous voyez maintenant ce qu'est Strasbourg.  !   Je vous ai écrit que je partirai le  27 ou le  28,  mais c'est impossible,  car nous avons eu subitement une inondation générale qui a causé de grands dommages ,  vous l'aurez certainement lu dans les journaux.
   Demain,   je pars avec la diligence,  par  Mannheim,  ne vous effrayez pas.....

 

  Je ne veux plus pester contre Mr  Grimm mais je ne peux m'empêcher de dire que par sa sottise à vouloir précipiter mon départ,  il est la cause que mes sonates ne sont pas encore gravées,  c'est à dire qu'elles ne sont pas encore parues,  et lorsqu'elles le seront,  j'y découvrirai peut être une multitude de fautes.  Si j'étais resté à Paris quelques jours de plus,  j'aurais pu les corriger moi-même et les emporter avec moi   !

   Quand j'ai dit à Grimm que je voulais aller loger chez le  comte v.  Sickingen, puisque je voulais rester 3 jours de plus pour mes sonates,   il me répondit,  les yeux étincelants de colère  :  "Ecoutez,  si vous sortez de ma maison sans quitter Paris,  je ne vous regarderai plus de ma vie,  ne vous présentez plus jamais à mes yeux,  je serai votre pire ennemi.".  Si ce n'avait été pour vous,  j'aurais sûrement répondu   "Soyez le.  D'ailleurs,  vous l'êtes déjà.  Vous m'empêchez de mettre de l'ordre dans mes  affaires,  de tenir tout ce que j'ai promis, et de préserver ainsi mon honneur et ma réputation,  de faire de l'argent, et peut être de faire mon bonheur  ! Car si je vais à Munich présenter moi-même mes sonates à la princesse électrice,  je tiens parole,  je reçois un Présent,  et fais peut être mon bonheur.".   Cependant,  je ne fis rien d'autre qu'une révérence et partis sans rien dire...

 

   Vous ne pouvez pas savoir à quel point on m'honore et on m'aime ici.  Les gens disent que tout est si noble en moi,  que je suis si posé,  et poli,  que j'ai une si bonne conduite. Tout le monde me connait.  Dès qu'ils ont entendu mon nom, Mrs  Silbermann et M. Hepp , organiste,  sont venus me voir,  ainsi que M.  Le Maitre de Chapelle  Richter.  Il est très modéré maintenant,  au lieu de  40 bouteilles de vin par jour,  il n'en avale plus que  20 environ......

 

 

 

 

                                                                &&&&&&&&&&&

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                  Mannheim,  le  12  novembre  1778

 

 

 

 

 

 

 

 

  Mon Très cher Père  !

 

  Je suis bien arrivé ici et ai agréablement surpris tous mes bons amis.  Dieu soit loué,  je suis à nouveau dans mon cher Mannheim  !   Je vous assure que si vous étiez là,  vous diriez la même chose.   J'habite chez Mme  Cannabich qui,  ainsi que sa famille et tous mes bons amis,  ne s'est presque plus sentie de joie en me revoyant, depuis mon arrivée,  je n'ai encore pris aucun repas à la maison,  car on s'arrache littéralement ma personne.  En un mot,  autant j'aime Mannheim,  autant Mannheim m'aime.

 

 Je n'en suis pas sûr,  mais je crois que je pense malgré tout être engagé ici.  Ici,  pas à Munich,  car je pense que le prince Electeur voudra établir à nouveau bientôt sa résidence à Mannheim,  car il ne pourra plus supporter longtemps les grossiéretés de messieurs les bavarois (...)

 

     Ce qui me fait le  plus plaisir, dans toute cette histoire de Mannheim et de Munich,  c'est que Weber ait si bien arrangé ses affaires.   Ils gagnent maintenant  1600  fl.,  car la fille touche à elle seule   1000 fl.  Son père en a 400 et 200 de plus comme souffleur.

C'est Cannabich qui a fait le plus pour eux,  c'est toute une histoire,  à cause du comte Seeau,  vous ne la connaissez pas,  je vous la raconterai par un prochain courrier.....

 

 

 

                                                               &&&&&&&&&&&&&&&&&&&

 

 

 

 

 

 

 

 

Les   lettres de  Léopold sont parfois aussi assez drôles,  car évidemment,  il n'a pas tout à fait tort.....

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                        Salzbourg,  le  19 novembre 1778

 

 

 

 

 

Mon très cher Fils   !

 

 

   Je ne sais vraiment pas ce que je dois t'écrire.  Je finirai par perdre l'esprit, ou mourir de consomption.  

   Il m'est impossible de me remémorer,  sans perdre mon sain entendement,  tous les projets qui te sont passés par la tête depuis ton départ de Salzbourg, et dont tu m'as fait part dans tes lettres.   Tout s'appuie sur des conseils,  des paroles en l'air et n'aboutit strictement à rien.

   Alors que depuis le  26 septembre,  je me berçais d'espoir,  à mon grand plaisir,  en pensant te voir à Salzbourg pour ta fête,   je dus vivre une première angoisse en lisant ta lettre du  3  à  Nancy ...  Finalement ,  tu m'écrivis le  14  de Strasbourg.  Au cours de ton voyage à Nancy,  tu as donc jeté ton argent par les fenêtres ,  puis tu es resté à  Strasbourg jusqu'aux inondations,  bien que je t'aie écrit à l'avance que tu devrais en repartir aussitôt s'il n'y avait rien à y faire,  au lieu de dépenser inutilement ton argent.  Tu m'as écrit toi même que la ville est pauvre,   mais on a fait tes Louanges,  et cela t'a suffi  !   Tu es resté en plan,  sans m'en écrire un mot,   et tu m'as assené une deuxième frayeur mortelle,  alors que nous avions ici aussi de la pluie et des inondations....

   Chaque jour de courrier,  j'attendais une nouvelle d'Aubsbourg me disant que tu étais arrivé,  mais j'entendais toujours dire  :  il n'est pas encore là,  et une lettre annonçait même que tu ne viendrais pas,  j'ai subi naturellement ma 3ème grande frayeur, car l'idée folle  que tu séjournais à  Mannheim,  où  la cour n'est plus ,  ne me serait jamais venue en tête.....

 

  Les gens de Mannheim sont fous de  croire que le prince électeur va quitter Munich.  Ils se bercent d'espoir parce qu'ils le souhaitent....  Je ne veux rien savoir des  "450 louis d'or à gagner peut-être".   Ton seul but est de me perdre,   uniquement pour poursuivre tes plans chimériques.

   D'après tes propres paroles,  tu as gagné  à Strasbourg  7 louis d'or.  La voiture de Paris était payée.  C'est donc une jolie somme pour une seule personne....  Bref,  je ne veux pas mourir à cause de toi dans la honte et avec des dettes,  et encore moins laisser derrière moi ta pauvre soeur dans la misère.

    Si j'écrivais à Mme  Cannabich que j'ai emprunté ton voyage  3OO fl.

Que je t'ai procuré  à  Mannheim  2OO

que j'ai payé à Paris pour l'argent emprunté à  Gschwendtner   110

Que je dois payer au baron  Grimm  15  louis d'or  :  165

que tu as emprunté à Strasbourg  8 Louis d'or   88

Que donc , en   14 mois,  tu m'as fait faire des dettes de    863  fl.

   Si je lui dis qu'elle devrait communiquer cette nouvelle à tous ceux qui te conseillent de rester à Mannheim,  et de leur dire que je te demande de revenir à Salzbourg pour rembourser tes dettes,  plus personne ne dira un mot pour te retenir, et ils feront une tout autre tête  !   .....

 

 

 

                                                         &&&&&&&&&&&   

 

 

 

 

 

 

                                                                               Kaishem,  le  18 décembre  1778

 

 

 

 

 

 

Mon très cher Père   !

 

 

   Je suis bien arrivé ici dimanche  13 ,   Dieu soit loué,  heureux..  Comme le Prélat par part pour Munich le 26 ou 27 courant,  je me suis finalement décidé à lui tenir de nouveau compagnie.  Mais je dois vous dire qu'il ne passe pas par Aubsbourg,  je n'y perds rien,  mais si vous aviez peut être quelque chose à y faire ou quelques affaires à régler qui nécessiteraient ma présence,  je pourrais toujours, si vous le demandiez,  y faire une petite promenade à partir de Munich,  puisque c'est très proche...  Mon voyage à Mannheim jusqu'ici aurait certainement été  plus agréable si j'avais quitté la  ville d'un coeur léger,.... Mais je suis habitué,  depuis mon enfance,  habitué à quitter les gens,  les pays et les villes,  et j'ai toujours le grand espoir de retrouver ceux que j'abandonne...

 

   Au sujet des petites choses qui manquent dans ma malle,  il est bien naturel que dans de telles circonstances,  quelque chose se perde,  ou soit même volé.  La petite bague d'améthyste,  j'ai dû la donner à la garde qui a veillé ma bienheureuse mère,  sinon elle aurait pris l'alliance...  (Ici ,  une grosse tâche d'encre)...  L'encrier est trop plein,  et je trempe ma plume trop vivement,  vous le voyez bien...  Pour ce qui est de la montre,  vous l'avez deviné,   elle a été mise en gage,  mais je n'ai pu en tirer que  5 louis d'or....Et puisque nous parlons de montre,  j'en rapporte une,  une vraie "parisienne". Vous souvenez vous de ma montre avec les petites pierres ? ...Elle avançait un jour sur deux, le lendemain elle retardait.,  celle que m'a fait cadeau le prince électeur faisait de même et était en plus mal travaillée..... J'ai échangé ces 2 montres pour une parisienne de 20 louis d'or.  Et je sais maintenant à nouveau quelle heure il est.   Avec mes  5 montres,  je n'y étais pas encore parvenu......

 

 

 

 

 

            Et  l'heure est venue de revoir  Aloysia ....

 

 

 

 

Chapitre suivant  :  Le coeur bien trop sensible

 

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                              

                                                                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                    

 

 

 

 

            

 

                                                                                    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                        

 

 

                                                                                      

 

 

 

 

 

                                                                             

 

 



16/09/2011

A découvrir aussi