Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "J'étais si mal accompagné que j'en avais la colic "

 

 

        Le  23 septembre 1777,  Wolfgang et sa mère partent pour un long voyage,  qui les conduira d'abord à  Munich,  Augsbourg,  Mannheim,  puis Paris...  

 

         Le  26  septembre,  Mozart écrit à son père qui est resté avec Nannerl à Salzbourg  :

 

 

    "  Je suis toujours d'excellente humeur.  J'ai le coeur si léger depuis que je suis loin de toutes ces Chicane  !  J'ai grossi d'ailleurs...."

 

 

   Cependant,  le 29,  il constate déjà  :  "  Nous avons beaucoup de bons amis,  mais la plupart ne peuvent malheureusement rien pour nous,  ou bien peu..."

 

 

       Il  déjeûne chez les barons,  les comtes et les comtesses,  tous les gens de la haute.

"Pour la nourriture,   je n'aurais guère de souci à me faire car je serais toujours invité. Je mange peu, bois de l'eau et à la fin du repas,  avec les fruits , un petit verre de vin."

 

  Le nombre de connaissances des Mozart  est impressionnant,  la liste serait trop longue à dresser,  cela donne le vertige !    On apprend au passage qu'une de ces dames l'a félicité de "parler lentement, ainsi on comprend tout ce qu'il dit",  et il me semble que c'est la seule allusion de la sorte où l'on peut apprendre un peu quelque chose sur "la voix de Mozart"..... "

 

 

      Pourtant,  il n'obtient rien de concret, et Léopold lui répond  "Je ne me suis jamais fait d'illusion sur Munich." 

 

 

 

       Le   11  octobre,   ils ont déjà quitté la ville  où  Mozart pensait "qu'il pourrait y rester un ou deux ans, et peut-être même que la cour finirait par le rechercher"....     Ils se trouvent maintenant à Augsbourg, la patrie de son père,  où l'accueil qu'on lui réserve ne lui plait guère  :

 

 

 

                                                                                      Augsbourg,  le 17 octobre 1777,

 

 

 

Mon Très cher Père,

 

(.....)   Le jeune Langenmantel  (fils du bourgmestre) a expliqué chez M. Stein qu'il allait se charger d'organiser une académie au Cercle (comme quelque chose de rares qui me fasse honneur).  On ne saurait croire avec quelle fougue il s'exprimait et promit de s'en occuper.  Je m'y rendis le 13,  il fut très aimable et me dit qu'il ne pouvait encore rien me dire de positif.  Je jouai encore pendant une heure.  Il m'invita à déjeuner le lendemain. Le matin, il envoya un domestique me dire de venir dès 11 heures et d'apporter des partitions car il avait invité des musiciens pour jouer quelque chose....  Il eut alors recours à de nombreux faux-fuyants et me dit d'un air détaché  :  écoutez ,  cela ne marche pas pour le concert....  Son père fut très aimable mais ne dit mot d'une académie.  Après le repas,  je jouai 2 concertos, quelques improvisations, puis un trio d'Hafeneder,  au violon.  J'aurais volontiers jouer plus longuement,  mais j'étais si mal accompagné que j'en avais la colic ...  (l'orthographe des mots écrits en français est conservée).

 

 

    Ensuite, ça ne s'arrange pas.  Le jeune bourgeois se met à le railler au sujet de sa croix de l'Ordre d'Eperon d'or,  que Léopold avait  conseillé  à Wolfgang de bien porter.....  !

 

     ".... Qu'est ce que cela peut coûter ?  3 Ducats  ?  Faut il avoir une autorisation pour la porter ?  Il faut que nous nous procurions cette croix."...   Il y avait là un officier, Bach, qui dit : honte à vous , que feriez vous de cette croix ?     Ce jeune âne de Kurzenmantel lui fit un clin d'oeil.  Je le vis, il le remarqua.  Alors il y eut un moment de silence.  Puis il me donna du tabac et me dit  : et là dessus , prenez une prise.  Je restai calme...."

(Note  : Mozart fait un jeu de mots entre "Langenmantel" : long manteau,  et  "Kurzenamntel : court manteau).

 

       L'autre continue sur le même ton et lui dit que sa croix ne vaut sûrement pas plus d'un thaler bavarois,  ce n'est pas de l'or mais du cuivre.  Wolfgang lui répond, "chaud de rage et de colère"  :  à Dieu ne plaise,  c'est du fer blanc  !  ...

 

        "Mais dites-moi, ajouta t'il,  je ne suis pas obligé de porter l'éperon  ?  Oh non, répondis-je vous n'en avez pas besoin,  vous en avez déjà un dans la cervelle.  Moi aussi, j'en ai un dans la tête,  mais c'est autre chose.  Je ne voudrais vraiment pas changer avec le vôtre.  Et là dessus,  prenez une prise..  Il pâlit un peu,  mais recommença...."

 

          Finalement,  après quelques autres bons mots,  Wolfgang se lève, prend son chapeau et son épée,  et part en promettant de ne pas revenir  : "Ceci est un bouge,  adieu.  Le lendemain,  je racontai toute l'histoire à M. Stein,  M.  Gignoux,  et le Directeur Graf.  Non pas l'histoire de la croix mais que j'était profondément dégoûté car on m'avais mis l'eau à la bouche pour un concert et qu'il n'en était rien du tout  C'est ce qu'on appelle se moquer du monde, duper les gens  Je regrette  bien d'être venu.  Je n'aurais jamais cru qu'à Augsbourg,  patrie de mon papa,  on ferait ainsi affront à son fils...

 

     

 

 

          D'une grande susceptibilité,   il se ratrappe en se moquant lui-même joyeusement des autres, peu après ,  avec sa petite cousine.   Ils viennent de se rencontrer  et il écrit  :  "C'est vrai, nous allons bien ensemble, car elle est aussi un peu coquine.  Nous nous moquons ensemble des gens,  c'est très amusant."  

 

           Un certain M. Emilian,  professeur de dogmatique et de théologie, que Mozart juge âne orgueilleux et imbécile,  en prend pour son grade  (parce qu'il se moque de sa  cousine)  :

 

 

           "....  Lorqu'il fut ivre ,  ce qui arriva bientôt, il commença à parler musique.  Il commença à chanter un canon.  Je dis  : je regrette,  je ne peux chanter avec vous, car je chante faux.  Ca ne fait rien ,  rétorqua t'il.   Il  commença.  J'étais le troisième,  mais je mis un tout autre texte sur la musique  :  P.E.  ,  corniaud,  lèche-moi le cul,  sotto voce à ma cousine,  ce qui nous fit rire encore pendant une demi-heure....   Il me dit :  Si nous pouvions nous voir plus longtemps,  j'aimerais discuter avec vous de l'art de composer.  Je dis  :  Nous aurions bientôt fini d'en discuter.  Avale,  crétin"......

 

 

          Cette expression reviendra plusieurs fois sous la plume du compositeur.  S'il la prononçait vraiment,  il n'est pas étonnant qu'il se soit fait de nombreux ennemis tout au long de sa vie...

 

          Finalement,   à  Augsbourg,  il aura quand même l'occasion de prouver son talent,   et le ton de ses lettres change alors beaucoup.  Il découvrira les pianos Stern,  et donnera,  avec un certain petit succès, une académie où il interprètera , improvisera,  jouera même des thèmes à l'envers  :  "M.  le doyen était tout ébahi.  Je ne peux en croire mes oreilles, vous êtes un sacré bonhomme,  dit-il.    Il continue en critiquant une jeune pianiste qui joue bizarrement et "s'agite, fait des grimaces , roule des yeux,  sourit,  ne respecte pas le tempo...".   Au cours du concert,   il interprète encore son concerto pour 3 claviers (K242),  sa dernière sonate en ré majeur,  et son Concerto en si bémol majeur N° 6 K 238,  qui est à l'écoute sur  ce site....

 

 

 

       Mozart et sa mère quitteront Augsbourg  pour Mannheim le dimanche 26 octobre  1777.

 

 

 

 

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Chapitre suivant  :  Mal à la tête....

          

 

 

 

 

      

 

 

    



13/09/2011

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