Wolfgang Mozart, Correspondance

Wolfgang Mozart, Correspondance

& "Une foule d'ennuis, de peines et de soucis..."

 

 

 

                                                                                   Vienne,  ce  8 d'août  1781

 

 

 

Mon  très cher Père  !

 

  Je vous écris rapidement car je viens de terminer le choeur des janissaires  (de l'Enlèvement au Sérail).  Il est déjà 12 heures passées et j'ai promis d'aller à 2 heures pile avec les Auernhammer et la Cavalieri à  Munchendorf, près de Laxenburg,  où se trouve actuellement le camp. (Résidence d'été de l'empereur).

   Adamberger, la Cavaliéri et Fisher sont extrêmement satisfaits de leurs airs.  Hier, j'ai déjeûné chez la comtesse Thun et y suis invité demain également.  Je lui ai fait écouter ce qui est terminé.   Elle m'a dit à la fin qu'elle parierait sur sa vie que ce que j'ai écrit jusqu'à maintenant plaira à coup sûr.  Mais sur ce plan,  je ne tiens compte des louanges ou des reproches de personne,  avant que les gens aient tout entendu et vu.  Je me fie bien plutôt à mes propres sentiments....

 

 

 

 

   Qui sont donc ces Auernhammer qui reviennent plusieurs fois dans la correspondance de Mozart  ?    Léopold a beaucoup entendu parler d'eux , et il est possible que ces gens l'intéressent,  leur fille  Josépha pouvant être un bon parti pour le compositeur ?   Mais hélas pour lui,  Wolfgang,  dans la réponse qui suivra,  ne cachera pas son dégoût pour la demoiselle en question à qui il donne des cours de piano...

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                   Vienne,  ce 22 d'Août 1781

 

 

 

 

 

   Comme j'ai lu dans votre dernière lettre que le comte Daun vous fait un éloge sur cette famille,  il faut que je vous en parle un peu.  J'aurais passé sous silence ce que vous allez lire et l'aurais considéré comme quelque chose qui ne me fait ni chaud ni froid,  car ce n'est qu'un ennui privé pour moi seul.  Mais comme je constate d'après votre lettre que vous avez confiance en cette maison,  je me vois contraint de vous dire franchement le bien tout comme le mal   ...

 

    Après quelques lignes où le père et la mère en prennent pour leur compte,  Wolfgang enchaine sur la fille  :

 

   Si un peintre pouvait faire un portrait bien naturel du diable, il n'aurait qu'à s'inspirer de son visage.  Elle est grosse comme une fille de ferme,  transpire à vous faire vomir et va si découverte qu'on peut  lire sans mal : "je vous en prie,  regardez moi".   Il est vrai qu'il y a assez à voir,  au point qu'on souhaiterait perdre la vue.   Mais on est bien puni pour la journée lorsque les yeux ont le malheur de se porter sur elle,  on a besoin d'un vomitif ! tant elle est répugnante,  sale et affreuse  !  Fi diable !  Je vous ai déjà écrit comment elle joue du piano  (elle jouait très bien, ouf).   J'ai grand plaisir à rendre service aux gens mais il ne faut pas qu'ils me rasent.  Il ne lui suffit pas que je passe chaque jour 2 heures avec elle,  il faudrait que j'y reste toute la journée.   Et elle veut faire la gracieuse  ! mais plus que cela  :  elle est sérieusement amoureuse  de moi.   J'ai cru tout d'abord à une plaisanterie, mais maintenant je sais que c'est vrai.  Elle me faisait de tendres reproches quand j'arrivais plus tard que d'habitude,  que je ne pouvais rester longtemps,  ou autres choses de ce genre.  Je me suis vu contraint,  pour ne pas l'abuser,  de lui dire poliment la vérité.  Cela n'a servi à rien.   Elle devint de plus en plus éprise.  Finalement j'étais toujours très poli sauf quand elle faisait ses manières,  alors je la rudoyais.   Elle me prenait alors par la main et disait  :  cher Mozart,  ne soyez pas méchant,  je vous  aime bien quand même.
   Dans toute la ville,  on rapporte que nous allons nous marier  
(On voulait donc à tout prix marier Mozart).  Mais on ne s'étonne que ce que j'accepte un tel visage.  Je sais par une personne qu'elle a dit que c'était vrai.  Cela m'a mis en colère.....  Je n'y vais plus tous les jours, mais seulement un jour sur deux,  et cela ira en diminuant petit à petit.... 

 

 

 

    Fichtre.  Aurais-je dû cacher ces lignes pour ceux qui ne les connaissaient pas encore ? 

...

 

 

 

 

 

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                                                                                     Vienne,  ce 5 de 7bre 1781

 

 

 

 

Mon très cher Père,

 

   Je vous écris maintenant de ma nouvelle chambre,  sur le Graben N°  1175 au 3ème étage.  D'après la manière dont  vous avez pris ma dernière lettre,  je constate malheureusement que,  (comme si j'étais un vaurien,  ou un idiot,  ou les deux à la fois) vous croyez plus ce que racontent et écrivent les autres gens que moi,  et que par suite vous n'avez aucune confiance en moi.

   Les gens peuvent bien écrire à se faire sortir les yeux de la tête,  et vous pouvez les  croire autant que vous voulez,  je ne changerai pas de ce fait mon attitude pour un cheveu,  et resterai le même garçon,  honnête comme d'habitude.

  Je vous jure que si vous n'aviez pas voulu que je prenne un autre quartier,  je n'aurais sûrement pas démanagé.  Mais silence,  cela ne sert à rien ,  les sottises que Dieu sait qui vous a mises en tête auront toujours raison de mes arguments.   Mais je vous demande une chose  : lorsque vous m'écrivez,  que je vous fais part de mes pensées en retour, je tiens cela pour quelque chose qui se dit entre père et fils,  donc pour un secret, qui n'est pas destiné à être connu des autres.   Je vous en prie donc,  tenez vous en à cela et ne vous adressez pas à d'autres gens, car , par Dieu,  je ne rends pas compte le moins du monde de mes faits et gestes aux autres,  fût ce à l'empereur.
   Ayez toujours confiance en moi,  je le mérite.  J'ai assez de soucis et d'ennuis pour subvenir à mes besoins.  Lire des lettres fastidieuses n'est pas mon affaire
.

  Dès que je suis arrivé ici,   j'ai dû financer par moi-même mes besoins,  et j'y suis parvenu grâce à mes efforts,  les autres ont tous eu recours à leur salaire.... Le fait que vous n'ayez pas encore reçu d'argent de moi,  mon père chéri,  n'est sûrement pas de ma faute mais celle de la mauvaise saison.  

(Il est possible qu'à partir de cet instant,  Mozart  cessa d'envoyer  l'argent qu'il devait à son père,  et que certaines rancoeurs de ce dernier soient  venues de là,  mais c'est moi seule qui le suppose).

 

 

   Ayez un peu de patience.  Il m'en faut à moi aussi.  Je ne vous oublierai pas , par Dieu !

Au moment de l'histoire avec l'archevêque, je vous ai écrit pour vous demander mes vêtements.  Je n'avais avec moi que mon costume noir,  le deuil prit fin,  il faisait chaud, les vêtements ne venaient pas.  J'ai donc dû m'en faire faire.  Je ne pouvais pas me promener dans Vienne comme un maraud ; surtout dans ma situation.  Mon linge faisait pitié.  Aucun valet ne portait ici de chemises de toile aussi grossières que les miennes.  Et c'est vraiment le plus abominable pour un homme.  Donc,  nouvelles dépenses.  Je n'avais qu'une seule élève,  elle s'absenta trois semaines, je perdis encore de l'argent. 

   Ici,  il ne faut pas s'abaisser,  c'est un principe absolu, sinon, on est à jamais perdu. Celui qui est le plus impertinent a les faveurs.

   D'après toutes vos lettres,  je vois bien que vous croyez que je ne fais que m'amuser ici.  Comme vous vous trompez  !  Je crois pouvoir dire que je n'ai aucun plaisir,  absolument aucun,  sauf celui de ne pas être à Salzbourg.

  J'espère qu'en hiver , tout ira bien.  Et alors,   je ne vous oublierai sûrement pas,  mon excellent père.  Si je vois que c'est avantageux,  je resterai encore plus longtemps,  sinon j'ai l'idée d"aller directement à Paris...

 

 

 

 

 

 

 

   La petite cousine de Mozart a t'elle été sa maitresse ?  Pour ma part, si je m'en réfère à sa réponse à son père du 19 Février 1778   ,  je ne le crois pas.   En tout cas,  il ne semble en garder aucune trace dans cette toute dernière lettre bien morne, (froide, dit une biographie) qu'il lui envoie, et uniquement pour y faire allusion à Constance :

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                             Vienne,  le 23 octobre 1781

 

 

 

    Ma très chère cousine,

 

   J'ai ces temps ci attendu avec impatience une lettre de vous, comment serait-elle ?  Et elle fut bien comme je l'imaginais  !  Ayant laissé écouler 3 mois, je n'aurais plus écrit, quand bien même le bourreau aurait été derrière moi, sabre au clair, car je n'aurais pas su, comment , quand,  où,  pourquoi, et quoi ?   Il me fallait absolument une lettre.

   Entre-temps,  ainsi que vous le savez sans doute,  il s'est passé de nombreuses choses importantes pour moi,  qui m"ont apporté une foule d'ennuis, de contrariétés,  de peines  et de soucis,  ce qui peut en vérité excuser mon long silence.

   Pour ce qui est du reste,  je dois vous dire que les bruits que les gens se sont plu à faire courir à mon sujet sont  en partie vrais,  et en partie faux   (Maintenant,  Mozart pense qu'i va bientôt épouser Constance).  Je ne peux en dire plus pour le moment.  Si vous aviez fait preuve de plus d'amitié et de confiance à mon égard,  si vous vous étiez adressée directement à moi, ( et non pas à d'autres,  et bien plus !)  vous en sauriez certainement plus que n'importe qui,  et si c'était possible, plus que moi-même  !...

    J'espère, chère cousine,  que notre correspondance va reprendre de plus belle.  Si seulement les lettres ne vous semblaient pas si chères  !...  
   Ainsi , portez vous bien,  très chère,  excellente cousine  !  Conservez moi une place dans votre si précieuse amitié et soyez assurés de la mienne. Je demeure à jamais

 

                                                  Votre sincère cousin et ami

                                                 Wolfgang Amzdè  Mozart

 

 

 

 

 

 

  

     Plus très gai,  le cousin.  Plus tard,  il aura même envers sa cousine une réflexion un peu méprisante, ( je trouve)  en écrivant,   au sujet d'un homme qui était amoureux d'elle  :  "Je me demande combien de temps ça durera,  avec celui-là..."

 

 

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      Quant à lui,  avec Constance,  cela durera toujours,  enfin,  les dix ans qu'il lui reste à vivre.... Mais comment annoncer cela à son père  ?  C'est le bouquet  !  Son père qui lui reproche encore aujourd'hui son emballement pour Aloysia  ?  Surtout,  il va bien s'appliquer à ne pas paraitre utopiste cette fois,  mais au contraire très raisonnable,  d'où sa façon curieuse de présenter sa fiançée  :

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                      Vienne,  ce 15 de Décembre 1781

 

 

 

    Père chéri,  vous exigez une explication sur ce que j'ai écrit à la fin de ma dernière lettre...  Oh !  Comme j'aurais aimé vous ouvrir mon coeur depuis longtemps,  mais le reproche que vous auriez pu me faire de penser à ces choses dans un moment inopportun m' a  retenu.  Entre-temps,  je m'efforce d'obtenir ici quelque chose de régulier, on peut alors, avec l'appoint de ce qui est irrégulier,  fort bien vivre ici.  Et puis, je me marie !

   Vous êtes effrayé par cette pensée  ?  Je vous en prie, père chéri,  excellent père,  écoutez moi  !  J'ai été contraint de vous découvrir mes souhaits,  permettez moi également de vous faire part de mes raisons,  raisons tout à fait fondées.

   La nature parle en moi aussi fort que chez tout autre,  et peut-ètre plus fort que chez bien des rustres grands et forts.  Mais il m'est impossible de vivre comme la plupart des jeunes gens actuels.  D'abord,  j'ai trop de religion,  deuxièmement,  j'aime trop mon prochain et suis trop honnête pour séduire une jeune fille innocente,  et troisièmement, j'ai trop de répugnance et de dégoût,  de  crainte et d'appréhension des maladies,  et trop d'attachement à ma santé pour m'amuser avec des putains.  C'est d'ailleurs pourquoi je peux jurer n'avoir encore jamais eu de relations de cette sorte avec aucune femme.  Si ç'avait été le cas,  je ne vous le cacherais pas,  car faillir est toujours naturel à l'homme,  et faillir une seule fois ne serait qu'une faiblesse,  encore que je n'oserais promettre d'en rester à cette seule faiblesse si j'avais failli une fois sur ce point.  Mais je peux le jurer sur ma vie et ma mort.

  Je sais bien que cette raison à  elle seule ne saurait suffire.  Mais étant par mon tempérament plus attiré par la vie calme que par le bruit je n'ai jamais été habitué, depuis ma tendre jeunesse, à veiller à mes affaires, mon linge, mes vêtements, etc.  et je ne peux penser à rien de plus utile pour moi qu'une femme  ......

 

   Maintenant, quel est donc l'objet de mon amour ?  Ne vous alarmez pas,  là non plus , je vous en prie.  Quand même pas une Weber ? Si, une Weber.  Pas Josépha, pas Sophie, mais Constanza,  celle du milieu.

   Je n'ai rencontré dans aucune famille une telle disparité de tempéraments.  L'ainée est une personne paresseuse,  grossière et fausse,  plus rusée qu'un renard.  La Lange est fausse,  méchante,  et c'est une coquette.  La plus jeune est encore trop jeune pour être quelque chose,  c'est une gentille créature,  mais trop légère  !  Dieu la préserve de la séduction.   Mais celle du milieu,  c'est à dire ma bonne et chère Constance,  la martyre parmi elles et justement peut être pour cette raison cellle qui a le meilleur coeur, en un mot,  la meilleure.  Elle s'occupe de tout à la maison mais ne saurait les satisfaire.
Oh ! mon excellent père !   Je pourrais écrire des pages entières si je voulais vous décrire toutes les scènes qui nous ont été faites à tous deux dans cette maison.

   Mais il faut que je vous familiarise un peu avec ma Constance bien aimée.  Elle n'est pas laide,  mais elle n'est toutefois pas très belle .   Toute sa beauté réside en deux petits yeux noirs et une belle tournure.  Elle n'a pas de vivacité d'esprit,  mais suffisamment de bon sens pour remplir ses devoirs d'épouse et de mère.  Elle n'est pas portée à la dépense,  au contraire elle est habituée à être mal vêtue.  Car le peu que la mère peut faire pour ses enfants,  elle l'a fait pour les deux autres,  mais jamais pour elle.  Elle se coiffe elle même tous les jours.  Elle sait tenir un ménage et a le meilleur coeur du monde,  bref je l'aime et elle m'aime avec coeur.  Dites moi si je peux souhaiter une meilleure femme  ?

   Je dois encore vous dire que jadis,  lorsque j'ai quitté mon service ,  je n'étais pas encore amoureux  .  L'amour est né grâce à ses tendres soins et services,  lorsque j'habitais chez elle.

   Je ne souhaite rien tant qu'obtenir quelque chose d'assuré  (ce dont j'ai,  Dieu merci,  véritablement espoir).  Et alors je ne cesserai de vous prier de me laisser sauver cette malheureuse,  et de faire son bonheur,  et le mien en même temps, et je dois dire également,  le nôtre,  à tous,  car vous êtes heureux lorsque je le suis,  n'est ce pas ?  La moitié de ce que j'aurai d'assuré,  vous en jouirez,  mon père chéri !

   Je vous ai maintenant ouvert mon coeur et expliqué mes paroles.  A mon tour, je vous prie maintenant de m'éclairer sur ce que vous avez écrit dans votre dernière lettre  "J'ai eu connaissance d'une proposition qui t'a été faite et à laquelle tu n'as pas répondu."  Je n'y comprends rien .  Je ne suis au courant d'aucune proposition.   (on ignore de quoi il s'agit).

   Maintenant,  ayez pitié de votre fils ! je vous baise 1000 fois les mains et suis à jamais   

Votre fils obéissant,  W :  A :  Mozart.

 

 

 

 

 

 

 

 

    Pas très gai,  non plus ,  le fiançé......

 

 

 

 

 

 

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  Chapitre suivant  :  Je pense toujours que la vérité finira par éclater au grand jour

 

(Mais des siècles plus tard, on raconte encore des inepties sur lui...)

 

                                                                                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    

 

 

 

 

 

  

                                                                                            

 

 

 

 

 

                                                                                         

 



19/09/2011

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